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MAURER INGO (1932-2019)

« Créateur de lumière ? Il n'y en a que deux : Dieu et Thomas Alva Edison. Et nous, les concepteurs et créateurs de lampes, nous ne faisons que cacher ce que ces deux-là ont créé. » Ainsi s'exprimait le designer allemand Ingo Maurer lors de l'exposition Lumières, je pense à vous du Centre Georges-Pompidou à Paris, en 1985, où il présentait un système d'éclairage à basse tension révolutionnaire, YaYaHo. Référence en matière de création et d'innovation, ce « faiseur de lumière », ainsi qu'il aime à se définir, se sera révélé un cas dans l'univers du design : à la fois concepteur, éditeur et distributeur de ses luminaires, mais aussi auteur d'installations éphémères et de mises en lumière d'espaces privés comme publics, tels que l'éclairage de l'Atomium à Bruxelles (2006) ou la station de métro Marienplatz à Munich (2015).

Né le 12 mai 1932 dans l'île de Reichenau, sur le lac de Constance, Ingo Maurer fait des études de typographie en Allemagne et en Suisse, puis de graphisme à Munich (1954-1958). En 1960, il part pour les États-Unis, où il exerce comme graphiste indépendant à New York et à San Francisco, travaillant notamment pour IBM. Il rentre en Europe trois ans plus tard et, en 1966, fonde la structure Design M, qui deviendra plus tard Ingo Maurer GmbH. La même année il imagine sa première et fameuse lampe Bulb, ampoule dans une ampoule géante, aux accents très pop.

Cette création traduit une fascination jamais démentie pour l'invention d'Edison et pour sa dimension esthétique, à laquelle Maurer rend périodiquement hommage. Ainsi, en 1969, il conçoit la suspension Nofuss, simple fil électrique terminé par une douille métallisée accueillant une ampoule dont la moitié du corps est opacifiée pour éviter l'éblouissement. Dix ans plus tard suit une variation plus délicate avec douille en porcelaine, Savoie. Puis vient ce qui constitue l'emblème du designer : Lucellino, une ampoule qui, en 1992, déploie délicatement ses ailes, et la même année, multipliée par vingt-quatre, se transforme en lustre (BirdsBirdsBirds). Le designer rend un facétieux hommage à son maître avec la suspension Wobist Du,... Edison ? (1997), dont l'abat-jour reflète l'hologramme d'une ampoule. Viendront ensuite, en 2000, l'applique Holonzki, variation holographique, et en 2002 la suspension avec douille en verre Johnny B. Good, dont la source est protégée par un bandeau de plastique blanc.

Ces exemples illustrent l'esprit joueur de Maurer – jusque dans le nom des objets –, mais également sa recherche constante de simplicité. Qu'il conçoive un objet plein d'émotion, de poésie, ou une solution technique, le designer fait la chasse au superflu et refuse de cacher les éléments constitutifs de ses lampes. Cette ligne de conduite traverse sa production variée, qui compte des luminaires en papier (un de ses matériaux favoris) ou créés à partir d'éléments existants : pattes d'oiseaux en plastique (Bibibibi, 1982), vaisselle cassée (PorcaMiseria !, 1994), passoire à thé (Mozzkito, 1996).

Esprit curieux, le designer n'a de cesse d'explorer les technologies à sa disposition. Avec l'halogène combiné à un transformateur qui convertit en 12 volts le courant de 220 ou 125, il invente une nouvelle manière d'éclairer, plus libre, qui se matérialise par deux câbles conducteurs sur lesquels se fixent de petites lampes. À l'époque où il crée YaYaHo, il fait mettre au point un système d'interrupteur et de variateur de lumière par simple pression, Touch Tronic, qui équipe tous ses luminaires à basse tension. Maurer est aussi l'un des premiers à s'intéresser à l'application au domaine du luminaire des diodes électroluminescentes (en anglais light emetting diode, ou LED). Ces semi-conducteurs,[...]

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Écrit par

  • : journaliste à Beaux-Arts magazine, professeure à l'École supérieure d'art et de design de Saint-Étienne

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