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INNÉ ET ACQUIS

Étymologiquement, sont innés les caractères, biologiques ou psychologiques, que l'être vivant possède à la naissance (et qui sont donc censés ressortir à sa nature, voire à son essence). Sont acquis les caractères postnatals dépendant de l'environnement (et qui sont donc supposés non essentiels, accidentels).

La recherche de l'hérédité

Au départ, les mots « inné » et « acquis » n'appartenaient pas spécifiquement à la biologie (cf. les idées innées de Descartes). Ils n'y sont entrés qu'assez tard au xixe siècle, lors de l'invention de la notion d'hérédité, et avec des sens très incertains, puisque, dans le premier ouvrage consacré à cette notion (Prosper Lucas, Traité philosophique et physiologique de l'hérédité naturelle, 1847-1850), l'innéité correspond à la possibilité de variation de l'enfant par rapport aux parents, tandis que l'hérédité est la reproduction à l'identique des caractères de ceux-ci dans celui-là.

Vers 1870-1880, la notion d'hérédité s'étant précisée, les mots « inné » et « acquis » ont été définis en opposition l'un à l'autre dans le cadre qu'elle offrait, et en oubliant le sens étymologique fondé sur la présence ou non des caractères au moment de la naissance. Inné et héréditaire sont devenus presque synonymes : sont innés (ou héréditaires) les caractères biologiques ou psychologiques que l'enfant tient de ses seuls ancêtres (via ses parents). Sont acquis les caractères déterminés par l'action de l'environnement sur cette base héréditaire. Cette définition-opposition a alors été renforcée par le principe d'August Weismann d'une non-hérédité des caractères acquis.

Cependant, simultanément, les biologistes ont posé, d'une part, que tout caractère acquis n'est tel que parce que l'être a une prédisposition héréditaire à l'acquérir (ce qui donne une certaine hérédité aux caractères acquis, via la prédisposition). Et, d'autre part, que tout caractère a un double déterminisme, génétique et externe (il est donc à la fois héréditaire et acquis), sans que l'on ne puisse jamais évaluer la part de l'un et de l'autre (autrement dit, les caractères innés ne constituent pas une essence sur laquelle se grefferaient les accidents que seraient les caractères acquis).

Par conséquent, en même temps qu'elles ont été définies par leur opposition, les notions d'inné (héréditaire) et d'acquis ont perdu tout contenu concret. Cette incohérence vient de la manière dont le concept d'hérédité s'est constitué.

Initialement, l'hérédité était seulement une notion juridique synonyme d'héritage. Jusqu'au début du xixe siècle, la biologie ne connaissait pas l'hérédité transmettant les caractères individuels des parents aux enfants, mais uniquement la génération assurant la conservation de l'espèce par la perpétuation de la seule forme spécifique (et non celle des caractères individuels, considérés comme variables car accidentels). La fameuse hérédité lamarckienne (1809) est en réalité une théorie de la génération qui, ignorante de la notion d'hérédité, ne différencie pas héréditaire et acquis. Le mot « héréditaire » n'était alors utilisé en biologie que pour qualifier, par analogie, les affections transmises des parents aux enfants : on héritait de la maladie de ses parents comme de leurs biens (l'époque ignorant les microbes, la tuberculose, la syphilis, etc., étaient souvent considérées comme héréditaires).

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Écrit par

  • : chercheur au C.N.R.S. en épistémologie et histoire des sciences

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