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INNOVATION

Aux sources de l'innovation

Du point de vue théorique comme au niveau de l'analyse empirique, la question essentielle concerne cependant moins l'identification de la nature et des formes de l'innovation que celle, plus complexe, de ses causes, des agents qui en sont à l'origine et des processus organisationnels, sociaux et concurrentiels qui en caractérisent le déploiement.

L'entrepreneur individuel et les occasions d'innover

On doit à Joseph Schumpeter d'avoir proposé, à trente années d'intervalle, les deux modèles principaux d'analyse de la nature des agents impliqués dans l'initiation et la réalisation d'activités innovantes. Le premier modèle apparaît en 1912 dans Théorie de l'évolution économique. Ce modèle met en avant le rôle central de l'entrepreneur individuel comme moteur de l'innovation et du progrès économique. Mû par la possibilité de pouvoir jouir d'un profit de monopole en cas de succès (au moins temporairement, avant d'être concurrencé par des « entrepreneurs-imitateurs »), l'entrepreneur-innovateur s'engouffre dans les occasions d'innover offertes par l'évolution de l'économie et des techniques. Son rôle « consiste à réformer ou à révolutionner la routine de production en exploitant une invention, ou plus généralement, une possibilité technique inédite ».

L'approche néo-autrichienne de l'entrepreneur (développée à partir des années 1930 et 1940) affine cette analyse en avançant l'idée qu'il existe toujours dans l'économie des opportunités à exploiter, à condition de savoir les identifier et d'avoir la volonté, l'audace et les capacités « entrepreneuriales » pour les transformer en innovations. Ces occasions d'innover proviennent soit de changements non anticipés dans les techniques, la demande ou la société, soit, plus fréquemment et plus systématiquement, des erreurs commises précédemment par d'autres entrepreneurs ou firmes.

Dans ce cadre, c'est d'abord parce qu'il y a du changement, des déséquilibres et des instabilités que l'innovation trouve « naturellement » un terrain favorable à son expression. Cela ne signifie pas pour autant que l'innovation soit quelque chose de purement fortuit ou « aveugle ». En effet, même si le rôle de la découverte, de la « surprise » et de la chance est clairement reconnu comme important, l'activité entrepreneuriale potentiellement innovante reste avant tout liée à la recherche finalisée par l'entrepreneur des opportunités d'innover. Elle dépend ainsi de manière essentielle de l'acuité et de la clairvoyance avec lesquelles l'entrepreneur détecte et envisage d'exploiter au bon moment ces occasions, notamment en tentant de vaincre les résistances économiques et sociales face à la nouveauté. L’activité entrepreneuriale comme levier essentiel de l’innovation dépend donc de la créativité et de l’ingéniosité de l’entrepreneur. C’est dans cette perspective qu’ont émergé des start-up, jeunes entreprises innovantes à la croissance souvent exponentielle (cf. chapitre 3).

L'« innovation en grand »

Cependant, cette vision, pour pertinente qu’elle soit dans certains secteurs (cf. supra) et dans certains contextes (institutionnels, économiques, sociaux, culturels) reste quelque peu « romantique ». L’innovation naissant dans un garage ou une chambre d’étudiant ne reflète pas les réalités industrielles observables au sein du capitalisme contemporain. En effet, depuis la fin du xixe siècle et tout au long du xxe siècle, la plupart des secteurs économiques (anciens comme nouveaux) sont marqués du sceau de la grande entreprise managériale et de marchés oligopolistiques dominés par quelques grandes firmes. Ce sont ces grandes firmes organisées[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités, directeur adjoint du département Aménagement de l'École polytechnique de l'université de Tours

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Média

John Kenneth Galbraith - crédits : Bachrach/ Getty Images

John Kenneth Galbraith

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