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INNOVATION

Innovation et dynamique concurrentielle

L'innovation soulève des questions cruciales quant à la nature des processus concurrentiels qui la sous-tendent ou qu'elle induit. Là aussi, plusieurs angles d'analyse peuvent être envisagés.

L'innovation comme déterminant de la concurrence

L'approche théorique la plus courante consiste à faire de l'innovation un déterminant de la concurrence. C'est en particulier le cas de la vision néo-classique traditionnelle, dans laquelle l'innovation est assimilée à l'apparition (exogène) d'une technologie qui définit les nouvelles conditions efficientes de la production s'imposant aux firmes et détermine la structure du marché en fonction de la nature des rendements d'échelle qu'elle induit.

D'autres approches, se fondant sur les mécanismes sélectifs du marché, font de l'innovation un phénomène multiforme et un déterminant en partie endogène d'une concurrence dynamique entre firmes (installées ou entrantes) face à un environnement évolutif et incertain. Les approches d'inspiration néo-schumpétérienne soulignent ainsi le fait que la compétition entre firmes sur les marchés s'appuie sur leurs performances organisationnelles, en particulier sur la qualité des « routines » qu'elles auront su développer pour s'adapter et innover. Dans une perspective néo-autrichienne étendue, les économistes de l'école de Chicago assimilent la concurrence à un processus de « sélection naturelle » (de type darwinien) des firmes les mieux adaptées.

Dans un dernier ensemble d'approches, l'innovation apparaît à la fois comme un aiguillon et un produit de la dynamique concurrentielle. Dans son ouvrage The Free Market Innovation Machine (2002), William Baumol soutient ainsi que l'innovation découle de la concurrence que se livrent les firmes pour développer des technologies leur procurant de nouvelles sources de revenus. Selon lui, c'est l'innovation (et non les prix) qui constitue le fondement de la rivalité entre firmes. D'où sa thèse selon laquelle le capitalisme a constitué une formidable « machine à innover », et a été, de ce fait, à la source du « miracle de la croissance » depuis plus de deux siècles.

La concurrence par l'innovation

Sans remettre en cause le rôle des pressions concurrentielles exercées sur les firmes par l'innovation, d'autres approches insistent plutôt sur son rôle en tant que support de la concurrence. En se fondant principalement sur les outils de la théorie des jeux non coopératifs, les modèles de « course » mettent ainsi en avant l'idée que les firmes rivales s'engagent dans des activités de R&D en espérant chacune être la première à pouvoir déposer un brevet, pour pouvoir ensuite bénéficier d'un monopole sur le marché grâce à une innovation de produit ou de procédé. L'innovation constitue ici un outil rationnel de domination préemptive sur le marché. Cependant, sur la durée, un rattrapage, voire un dépassement de la firme dominante par des concurrents (on parle ici de leapfrogging, littéralement « saut de grenouille ») reste possible, précisément au moyen d'efforts cumulatifs d'innovation. C'est typiquement ce qui s'est passé pour Airbus face à Boeing, à partir du milieu des années 1970, ou encore pour l'industrie automobile japonaise face aux constructeurs américains et européens au cours de la même période.

Pour leur part, les modèles de « compétition technologique » montrent comment des technologies alternatives sont « sélectionnées » par le marché (selon un processus stochastique). Cette sélection s'opère, non pas en fonction des performances initiales intrinsèques des technologies en compétition, mais de la vitesse de leurs diffusions respectives au gré des adoptions successives opérées par[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités, directeur adjoint du département Aménagement de l'École polytechnique de l'université de Tours

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John Kenneth Galbraith - crédits : Bachrach/ Getty Images

John Kenneth Galbraith

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