Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

INQUISITION

L'Inquisition espagnole

Les origines

L'Inquisition dénoncée par Goya - crédits : AKG-images

L'Inquisition dénoncée par Goya

La création de l'Inquisition espagnole se rattache à la réaction contre les minorités ethnico-religieuses, musulmanes et juives, incorporées par la Reconquista à l'Espagne chrétienne où elles jouirent d'abord d'une large tolérance. Cette réaction, accentuée par le malaise économique qui marque les derniers siècles du Moyen Âge, se traduit par la montée des rancunes populaires contre les Maures et surtout contre les Juifs, manieurs d'argent. La pression des autorités religieuses et les massacres de Juifs amènent de nombreuses conversions dont la sincérité apparaît douteuse. C'est pour surveiller ces « nouveaux chrétiens » ou conversos d'origine juive, et pour punir les relaps, que les Rois Catholiques obtiennent du pape Sixte IV, en 1478, l'autorisation de désigner des « inquisiteurs » dont la juridiction, d'abord limitée au royaume de Castille, fut étendue ensuite aux territoires de la couronne d'Aragon.

L'Inquisition et l'unification religieuse de l'Espagne

La juridiction inquisitoriale ne touchant que les « convertis », Juifs et Maures conservaient, après 1478, la possibilité de pratiquer leur religion. Cette situation fut modifiée dans le quart de siècle suivant par la politique d'unification religieuse pratiquée par les Rois Catholiques. Dès 1492, les Juifs doivent choisir entre le baptême et l'exil ; en 1501, la même mesure est appliquée aux Maures du royaume de Grenade, reconquis vingt années auparavant ; en 1502, elle est étendue aux mudejars de Castille, puis à ceux d'Aragon et de Catalogne. Désormais, la population de l'Espagne ne comprend plus – du moins en principe – que des chrétiens, mais la foi des « nouveaux chrétiens » reste suspecte, et l'Inquisition est amenée à exercer une surveillance rigoureuse sur les Morisques (Maures convertis) et davantage encore sur les Marranes suspects de « judaïser » en secret. Parmi eux se recrute la majeure partie de ceux qui comparaissent dans les autos de fe organisés à partir de 1481. Tomás de Torquemada, premier inquisiteur général (1485-1494), se signala par sa rigueur impitoyable qui suscita de vives protestations, surtout en Aragon et en Catalogne, et souleva la réprobation du pape Sixte IV lui-même.

Cependant sont apparus, au début du xvie siècle, d'autres courants de pensées hétérodoxes : en réaction contre les excès de la dévotion extérieure, des « illuminés » ( alumbrados) se réclament d'un christianisme plus intériorisé visant à une union directe avec Dieu. La même aspiration à une vie religieuse plus profonde explique l'accueil très favorable que reçoit, dans les milieux humanistes et dans une partie du clergé, la pensée d'Érasme. Mais illuminisme et éramisme apparaissent d'autant plus redoutables à l'Inquisition qu'ils évoquent la « justification par la foi » qui a abouti à la révolte de Luther. Contre les illuminés et les érasmiens, l'Inquisition engage, après 1525, des poursuites qui aboutissent généralement à des condamnations modérées. Il en est tout autrement lorsque, au début du règne de Philippe II, sont découverts, à Séville et Valladolid, des noyaux « luthériens » (influencés en fait par la pensée calvinienne), peu nombreux, mais inquiétants par la qualité sociale et intellectuelle de leurs adeptes. La réaction est, cette fois, brutale : les autos de fe organisés dans les deux villes en 1559 et 1560 font périr plusieurs dizaines de personnes, tandis que l'archevêque de Tolède est lui-même emprisonné comme suspect d'hérésie. Ces rigueurs extirpent totalement le protestantisme d' Espagne. Cependant, la crainte de toute déviation religieuse dans le sens de l'illuminisme entretient la défiance de l'Inquisition à l'égard de la pensée mystique dont les plus illustres[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Toulouse
  • : docteur ès lettres, directeur de recherche honoraire au C.N.R.S.

Classification

Médias

Inquisition - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Inquisition

L'Inquisition dénoncée par Goya - crédits : AKG-images

L'Inquisition dénoncée par Goya

Autres références

  • ALBIGEOIS (CROISADE CONTRE LES)

    • Écrit par
    • 4 152 mots
    • 2 médias
    À partir de 1229, la lutte de l'Église contre les hérétiques prit la forme de l'Inquisition, organisée par le pape Grégoire IX en 1233 et confiée aux ordres mendiants – et surtout aux dominicains. Elle se heurta à une résistance clandestine. Il y eut pourtant des violences dans les villes, à Narbonne...
  • ALUMBRADOS

    • Écrit par
    • 382 mots

    Proches des Libertins spirituels, qui furent dénoncés par Calvin, les alumbrados ou illuminés, signalés en Espagne au xvie siècle, voyaient dans les affinements de l'amour charnel la réalisation de l'amour divin, dont chacun porte l'étincelle. Initialement suspectés d'...

  • APOSTOLIQUES SECTE DES (XIIIe s.)

    • Écrit par
    • 1 115 mots

    Épiphane signale sous le nom d'apostoliques ou apotactiques une secte manichéenne du ive et du ve siècle qui professe le refus du mariage, la continence et le détachement des biens matériels. Le terme « apostolique » reparaîtra au xiie siècle pour désigner les premiers cathares...

  • BELGIQUE - Histoire

    • Écrit par
    • 20 670 mots
    • 16 médias
    ...l'impuissance, parvinrent en 1565 à évincer le cardinal de Malines, Antoine Perrenot de Granvelle, le trop zélé Premier ministre du roi. L'instauration de l' Inquisition d'État conféra aux magistrats locaux un pouvoir discrétionnaire qui leur permit d'appliquer les placards un peu à leur gré. La métropole d'Anvers...
  • Afficher les 48 références