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INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives)

Le 17 janvier 2001 était promulguée la loi no 2001-44 « relative à l’archéologie préventive ». C’était l’aboutissement d’un long et difficile processus, symptôme du rapport compliqué que les élites françaises entretiennent avec leur passé. Pourtant, dès 1825, Victor Hugo, dans un célèbre article, avait déclaré la « guerre aux démolisseurs » face aux destructions massives de monuments médiévaux. Il fallut néanmoins attendre 1913 pour qu’une loi soit votée « sur les monuments historiques », mais sans volet archéologique, du fait de l’opposition des sociétés savantes qui y voyaient une menace contre la liberté de la recherche. En 1941 cependant, un décret-loi (validé en 1945) soumit les fouilles archéologiques à une autorisation administrative.

Durant les Trente Glorieuses, l’essentiel des sites archéologiques découverts lors de travaux fut détruit sans qu’aucune fouille ait lieu. Le passé du territoire national ne pesait guère face aux vestiges de la Grèce, de Rome et de l’Orient, exposés au musée du Louvre. Les trouvailles faites sur le territoire national étaient, elles, reléguées dans le « musée des Antiquités nationales » de Saint-Germain-en-Laye, privé de crédits comme de public. Mais, en liaison avec les crises économiques, et bientôt écologiques, qui se font jour à partir des années 1970, un intérêt grandissant va se manifester pour l’histoire et l’archéologie. Les destructions deviennent visibles et sont alors qualifiées de « scandales ». En 1977 est créé le Fonds d’intervention pour l’archéologie de sauvetage et le Code de l’urbanisme interdit la destruction de sites archéologiques, tandis que l’archéologie « de sauvetage » devient peu à peu « préventive ». Sous la pression des services archéologiques du ministère de la Culture, certains aménageurs commencent à financer les fouilles archéologiques nécessaires, mais sans obligation légale. Ces crédits, qui permettent d’embaucher des archéologues, transitent par une association-relai du ministère de la Culture, l’Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN). Par ailleurs, en 1992, l’ensemble des pays européens adoptera à Malte la « Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique », obligeant les signataires à se doter d’une législation adéquate.

Le vide juridique de la situation, tout comme l’absence de statut des archéologues, provoque en France à partir des années 1980 des protestations allant jusqu’à des pétitions, des manifestations, voire des occupations de locaux, suivies en général de rapports administratifs sans effets. L’un de ces mouvements aboutit néanmoins en novembre 1998, sous le gouvernement de Lionel Jospin, Catherine Trautmann étant ministre de la culture, à un nouveau rapport, émanant d’un archéologue (Jean-Paul Demoule), d’un juriste membre du Conseil d’État (Bernard Pêcheur) et d’un élu local (Bernard Poignant). Il propose une loi faisant obligation aux aménageurs de financer, s’il y a lieu, les fouilles archéologiques, et transformant l’AFAN en un établissement public scientifique. Des négociations difficiles s’ensuivent avec les différents ministères. Un compromis est trouvé, excluant la création d’un établissement public à caractère scientifique et technique (EPST) comme le CNRS, dont les personnels auraient été fonctionnaires, au profit d’un établissement public dit administratif, néanmoins doté d’un conseil scientifique, et dont les personnels sont des contractuels de droit public.

La loi précise d’entrée : « L'État veille à la conciliation des exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social. » Elle ajoute que les fouilles sont confiées à un établissement public, qui en a donc le monopole, et « assure l'exploitation[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France

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