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INSPIRATION (Grèce antique)

La figure d'Orphée

Aussi loin que l'on remonte en Grèce ancienne, la conviction s'impose suivant laquelle ce sont les Muses qui inspirent le poète. Dès lors, on comprend mieux pourquoi Orphée, cette figure mythique, à qui l'on donne pour mère Calliope (Platon, République, II, 364e), la première des Muses (Hésiode, Théogonie), a pu être considéré comme le premier des poètes, dans le temps et pour la qualité, celui à qui étaient redevables même Hésiode et Homère. On comprend aussi pourquoi on mit assez tôt sous le nom de cette espèce de Muse au masculin une théogonie qui comporte six règnes et qui, à la différence de celle d'Hésiode, dont le but est de justifier un ordre des choses stable, pourrait présenter un caractère cyclique, suivant ce principe : « Tout vient de l'Un et se résout en lui » (Diogène Laërce, I, Prooem.). Cette théogonie, qui commence avec la Nuit noire - qui produit un uf sans germe, d'où sort un être étincelant de lumière, appelé Éros, Phanès, etc., que Zeus avale avec les autres dieux qui en viennent pour fabriquer notre monde -, se termine avec Dionysos qui s'identifie, d'une façon ou d'une autre, à toutes les autres divinités. On comprend enfin pourquoi, au cours de l'histoire, Orphée a pu être considéré comme l'instigateur de tous les mystères.

Ce que partagent non seulement Homère et Hésiode, mais aussi Pindare, Ibycos, Bacchylide et Alcman, c'est la conviction en la nécessité de l'inspiration du poète par les Muses. L'accord disparaît dès que l'on essaie de définir en quoi consiste celle-ci. Jusqu'à Platon, on peut dire qu'elle est considérée comme une aide dispensée au poète par un principe qui le dépasse et qui lui permet tout à la fois d'accéder à une connaissance des événements qu'il raconte et de capter l'intérêt de son auditoire : dans cette perspective, l'inspiration n'est pas incompatible avec la technique. Avec Platon, en revanche, inspiration et technique s'opposent, car, en prenant possession de lui et en lui accordant le don de voyance, les Muses empêchent le poète de faire usage de sa raison ; cette position, et c'est là tout son intérêt, permet de mettre la poésie en rapport avec d'autres formes d'inspiration - mantique, « mystique », érotique et même philosophique.

— Luc BRISSON

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