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INSTINCT

Rôle du contexte neurosensoriel

Il y a lieu de remarquer, à propos de la valeur déclenchante de ces diverses configurations perceptives, que leur efficacité ne dépend pas seulement de leur constitution figurale propre, mais aussi de la disposition momentanée de l'animal, laquelle est déterminée par toute une série de facteurs internes. En résumé, on peut dire avec G. P.  Baerends (1950) que l'intensité de ces facteurs de préparation définit le seuil de déclenchement de la réponse ; plus grande sera cette intensité, plus bas sera le seuil, et la réponse adéquate ne surviendra, en tout état de cause, que si un stimulus isolé ou une série de stimuli, agissant de façon convergente par sommation hétérogène, fournissent une excitation spécifique supérieure au seuil. Si ce dernier est inférieur au maximum, une partie de la situation stimulante suffira pour activer le système, quelles que soient les composantes partielles intervenant à ce moment. Baerends a pu l'établir à propos de la parade sexuelle du poisson Lebistes reticulatus. La vue d'une femelle morte immobile, mais morphologiquement intacte, amorce la parade du mâle ; cependant, celle-ci n'est pas déclenchée par une femelle identique dont les yeux ont été extirpés, tandis qu'une femelle vivante en mouvement se révèle très efficace, même après extirpation des yeux. Deux autres séries d'observations du même auteur tendent à montrer que chaque mécanisme de déclenchement comporte ses propres stimuli-signes. La première a trait à la capture des proies chez la guêpeAmmophila adriaansei. L'insecte capture les chenilles et les ramène au nid pour en nourrir ses larves. La perception de la chenille détermine toutefois des réactions très différentes selon l'instinct momentanément activé. Lorsque la guêpe est en chasse et trouve une chenille, celle-ci est saisie et piquée ; en revanche, si la chenille est découverte à proximité de l'entrée du nid immédiatement après que la guêpe a pratiqué l'orifice, elle est emportée à l'intérieur. La valence de stimulus-signe de la même configuration se modifie donc de manière surprenante d'après son contexte neurosensoriel.

Dans une seconde série d'observations, Baerends a procédé à des épreuves successives, qui mettent en évidence les différences entre les stimuli-signes nécessaires à un stade particulier de l'activité, lorsque le mécanisme de déclenchement d'une action a déjà fonctionné. Les expériences sont menées, cette fois, sur la punaise aquatique Notonecta glauca, insecte qu'on peut remarquer sur la surface d'un étang ou d'une mare. Le notonecte repose sur le film liquide par les extrémités de sa première et de sa deuxième paire de pattes, ainsi que par l'abdomen. Il détecte de cette façon les vibrations de la surface de l'eau, qui constituent pour lui le stimulus-signe de l'attaque. Celui-ci agit à une distance maximale de 20 cm, et oriente l'insecte dans la direction de la source de vibration. Arrivé à 5 cm environ de celle-ci, l'insecte modifie brusquement son comportement : il étend vers l'arrière sa troisième paire de pattes, et fonce sur la proie. Cet acte n'est pas déclenché par les vibrations de la surface liquide. Baerends a pu le prouver en entretenant une source de vibration en un point donné de la surface au moyen d'un fil courbé en son extrémité : dans ce cas, le saut n'est pas observé.

Cependant, si l'on entretient la vibration de la même manière, et si l'on déplace simultanément un petit objet le long de la paroi de l'aquarium d'observation, le saut se produit immédiatement, mais dans la direction de l'objet, et non dans celle du fil. Une fois la proie saisie, elle est explorée tactilement par les pièces buccales et n'est entamée que si la surface n'est pas trop dure. Un[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'université de Louvain, membre de l'Académie royale des sciences et de l'Académie royale de langue et de littérature française de Belgique, membre correspondant du Muséum national d'histoire naturelle de Paris

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Organisation du comportement selon Tinbergen - crédits : Encyclopædia Universalis France

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