- 1. Les stéréotypes comportementaux
- 2. Le mécanisme de déclenchement
- 3. Caractéristiques des déclencheurs
- 4. Rôle du contexte neurosensoriel
- 5. Actes instinctifs et énergie interne
- 6. Les activités vides et le jeu
- 7. Les activités de déplacement
- 8. Le problème de la physiologie de l'instinct
- 9. Ontogenèse des instincts
- 10. Bibliographie
INSTINCT
Les activités de déplacement
Pour comprendre celles-ci, il convient de revenir au modèle hydromécanique. Dans le cas de l'activité de débordement, on a affaire, en théorie, à une surpression capable de repousser la valve V. Admettons maintenant qu'un poids, placé sur le plateau P, ait entraîné le déplacement de la valve, et que le liquide ait suffisamment rempli le collecteur C pour pouvoir s'écouler par les orifices inférieurs. Supposons en outre qu'au moment où les filets de liquide commencent à apparaître, ou quelques instants plus tard, une obstruction se produise dans l'un des orifices et empêche l'écoulement normal du liquide dans cette direction. Le résultat sera une augmentation de pression dans tous les autres orifices, en fonction de leur section propre. Dans le cas des comportements manifestes, on pourra se demander si l'hypothèse d'une source interne d'énergie permet d'admettre l'existence d'obstructions temporaires au niveau des actes parcellaires. En 1940, Kortlandt remarqua, chez divers oiseaux, et particulièrement chez le cormoran, des comportements qui semblaient totalement étrangers à la séquence d'actes instinctifs en cours à un moment donné. Deux oiseaux, par exemple, se menacent mutuellement à la limite de leurs territoires respectifs et atteignent après un certain temps un tonus agressif très élevé. Soudain, les oiseaux prennent une attitude différente qui semble traduire une crainte mutuelle et, contre toute attente, se mettent à récolter des matériaux qu'ils utilisent normalement pour construire leur nid. On peut expliquer le phénomène en supposant que les oiseaux en présence sont la proie de deux motivations conflictuelles, l'une tendant à déterminer l'attaque et l'autre la fuite : aucune des deux ne parvenant à s'imposer de manière décisive, l'énergie interne ne trouve aucune voie de décharge dans la structure motrice qui correspond à la phase terminale caractéristique de l'un ou de l'autre instinct. L'énergie accumulée se libère alors par une voie de moindre résistance. Dans le cas où l'exécution normale d'un instinct a lieu, Kortlandt dénomme autochtone l'énergie interne amenant à ce résultat. Dans les situations où le conflit motivationnel fait apparaître une action substitutive, on dira que celle-ci est activée par une énergie allochtone. À la suite de ses observations, Kortlandt a proposé de désigner ces comportements substitutifs sous le nom de Übersprunghandlungen (1940). La même année, Tinbergen découvrit les mêmes phénomènes indépendamment de Kortlandt, et les qualifia d'Übersprungbewegungen, terme qui a été traduit en anglais par displacement activities : l'équivalent français, « activités de déplacement », apparaît donc adéquat.
Les activités de déplacement ne s'observent pas seulement dans le cas de la dérivation allochtone de l'énergie, lorsque deux tendances incompatibles s'affrontent ; elles peuvent également se produire lorsque la configuration déclenchante, nécessaire à l'exécution d'une action partielle, ne survient pas au moment voulu, ainsi que l'ont montré Tinbergen et Van Iersel (1947) chez l'épinoche Gasterosteus aculeatus.
Le problème est évidemment de savoir ce qui détermine, lors du conflit de deux tendances, l'apparition d'une activité particulière qui n'a, à première vue, rien de commun avec les instincts en compétition. Il ne suffit pas de supposer une voie de facilitation quelconque ; cela reviendrait en effet à admettre une indifférenciation totale de l'énergie disponible et contredirait la spécificité des actions parcellaires. De plus, les mêmes activités de déplacement tendent à réapparaître dans des situations conflictuelles semblables. Tinbergen a suggéré (1952) que l'apparition d'actes dérivés était liée[...]
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Écrit par
- Georges THINÈS : professeur honoraire à l'université de Louvain, membre de l'Académie royale des sciences et de l'Académie royale de langue et de littérature française de Belgique, membre correspondant du Muséum national d'histoire naturelle de Paris
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Média
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