INSTITUTION DE LA RELIGION CHRÉTIENNE, Jean Calvin Fiche de lecture
Le nombre des éditions de l'Institution de la religion chrétienne témoigne du succès de l'ouvrage, dès sa sortie en 1536 : vingt éditions en latin et dix-sept en français, jusqu'à la fin du siècle, outre une bonne vingtaine d'éditions en d'autres langues. Ce manuel, devenu la somme de la théologie réformée, a pour auteur un autodidacte en théologie : le juriste Jean Calvin (1509-1564), humaniste fraîchement conquis par le message de Luther et des prédicateurs de la Réforme allemande et suisse, réfugié à Bâle pour échapper aux poursuites antihérétiques déclenchées en France fin 1534. L'ouvrage, dont la première version en français paraît en 1541, était d'abord destiné à ses compatriotes français attirés par les idées nouvelles, mais dépourvus de cadres intellectuels et ecclésiaux, contraints qu'ils étaient à la clandestinité, du fait de l'hostilité de tous les pouvoirs engagés pour la défense de l'Église traditionnelle. Au fil des éditions et des traductions, l'Institution a changé de forme et conquis d'autres publics.
Premières formes
La première édition, publiée à Bâle en 1536, se présente comme un gros catéchisme, 524 pages de petit format : le titre lui-même, Institutio, signifie à la fois instruction et commencement. En ouverture, une épître au roi François Ier supposé mal informé, où Calvin fait l'apologie de la doctrine exposée qui est celle-même de la parole de Dieu. L'exposé de cette doctrine est structuré en six chapitres. Les quatre premiers suivent le plan des Catéchismes de Luther (1529) : la Loi (explication du Décalogue), la foi (explication du Credo), la prière (explication de l'Oraison dominicale), les sacrements (baptême et cène). S'y ajoutent deux chapitres : l'un sur les « faux sacrements » (confirmation, pénitence, extrême-onction, ordre, mariage), l'autre sur la « liberté chrétienne », l'Église et l'État. La théologie qui s'y affirme est directement inspirée de Luther et de Melanchthon, comme aussi, sur la cène notamment, des réformateurs des villes, critiquant les « inventions » de la messe. Le succès de ce livre de poche est rapide : en un an, l'édition est épuisée. Il vaut à Calvin d'être retenu à Genève en vue d'y organiser la Réforme.
Pour l'édition suivante, publiée en 1539, Calvin adopte un plan nouveau, plus dynamique, proche de celui des Loci communes de Melanchthon (1521) : les textes du Décalogue, du Credo et de l'Oraison dominicale ne sont plus juxtaposés, mais insérés dans un parcours en dix-sept chapitres : de la connaissance de Dieu à la connaissance de l'homme, à travers l'histoire du salut, à la fois collective et individuelle, selon l'Épître aux Romains. Cette fois, les thèmes de la justification par la foi, de l'alliance ancienne et nouvelle, de l'élection (prédestination) apparaissent au cœur de la construction théologique. Par rapport à la première édition, celle-ci s'est enrichie de nombre de citations scripturaires et patristiques (au premier rang, Augustin, puis Jean Chrysostome). Quant aux chapitres sur l'Église et sur la « vie chrétienne », ils portent la marque de Martin Bucer, que Calvin côtoie à Strasbourg depuis 1538 : l'accent est mis sur la discipline ecclésiastique et sur l'éthique individuelle et communautaire. Ils portent en même temps la marque de la nouvelle expérience pastorale de Calvin, avec l'articulation constante de la doctrine et de la pratique.
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Écrit par
- Marianne CARBONNIER-BURKARD : maître de conférences à la faculté de théologie protestante de Paris
Classification
Médias