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INSTITUTIONNALISME, économie

L'approche institutionnaliste en économie place au centre de ses analyses un nouvel objet d'étude, les institutions, et propose une approche dite évolutionnaire, qui consiste à ne retenir que la réalité des faits pour analyser un processus causal, cumulatif, aveugle et opaque d'évolution des institutions économiques. Elle est née aux États-Unis au début du xxe siècle dans un contexte de profondes transformations : urbanisation massive et industrialisation de l'agriculture, croissance rapide de la grande industrie manufacturière et des trusts, commerce de grande distribution et consommation de masse, immigration importante et syndicalisme industriel. Face aux problèmes économiques et sociaux qu'entraînent ces transformations, les autorités politiques font appel à des commissions d'enquête au sein desquelles les experts économistes sont invités à proposer des solutions. L'analyse de cette réalité économique inédite requiert de nouveaux instruments théoriques.

Cette exception américaine se manifeste à l'époque dans d'autres sciences sociales, avec notamment la forte influence de l'approche évolutionniste en anthropologie, ou bien encore le pragmatisme, nouveau courant centré sur la philosophie de l'action qui fait son apparition. Les institutionnalistes s'inscrivent dans le même mouvement d'idées.

L'approche évolutionnaire de l'institution

En rupture avec la vision orthodoxe de l'économie, la notion d'institution est comprise comme une construction sociale des actions économiques individuelles. Dans cette optique, Thorstein B. Veblen (1857-1929) appelle institution une habitude mentale spécifique, une façon particulière de penser et d'agir dans le domaine économique, tandis que John R. Commons (1862-1945) la définit comme l'action collective contrôlant l'action individuelle (Institutional Economics 1934). Ainsi, l'institution ne réside ni dans l'autonomie individuelle ni dans l'hétéronomie sociale ; elle est la façon dont un acteur économique doit, peut, pourrait ou non se comporter.

Les institutions évoluent continûment et une approche « évolutionnaire », selon une représentation de l'histoire des sociétés inspirée par la biologie, permet d'analyser le processus de sélection auquel elles sont soumises. Ce processus s'inscrit dans la logique phylogénétique de l'institution primaire dominante, la propriété pour Veblen, et selon des procédures de sélection régies par les autorités (légitimes, judiciaires, etc.), pour Commons.

La théorie de l'institution de la consommation et du loisir développée par Veblen dans Théorie de la classe de loisir (1899) fournit une bonne illustration de ce processus d'évolution. Veblen met en avant le renforcement des institutions dites « cérémonielles » face aux mentalités « industrielles ». La propriété est née de l'accaparement du surplus de la production commune par une classe supérieure qui a alors développé des pratiques de vie oisive et de consommation superflue. Ce loisir et cette consommation « de luxe » sont devenus, dans les mentalités, le signe ostentatoire de la supériorité sociale, alors que le travail productif a été dénigré comme marque d'infériorité sociale. Dès lors, les individus ont rivalisé en gaspillage de temps et de biens, preuves de leur supériorité sociale.

Une fois enclenché, le processus spéculaire de la comparaison provocante a renforcé l'institution « cérémonielle » de la « mentalité propriétaire » du gaspillage ostentatoire. L'institution primaire de la propriété, le phylum des institutions économiques cérémonielles, a ainsi engendré une institution secondaire, l'institution de la consommation et du loisir dont les dernières ramifications se manifestent dans la société américaine contemporaine. La mode en[...]

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