INSTITUTIONNALISME, économie
Monnaie et transaction
Wesley C. Mitchell (1874-1948), auteur de Business Cycles (1927), à l'origine de la théorie du cycle des affaires, inaugure avec sa méthode d'analyse quantitative un autre volet de l'approche institutionnaliste. Il s'applique à montrer comment l'institution de la monnaie, définie à partir des caractéristiques du système monétaire et des différentes attitudes des groupes sociaux quant à leur « art » du maniement des relations monétaires, exerce une influence déterminante sur les cycles économiques. Ces derniers sont amplifiés par la logique pécuniaire du business, au sens de Veblen, qui perturbe la coordination rationnelle des activités industrielles.
De son côté, Commons considère que la « trans-action », qu'il définit comme les actions réciproques sous contrôle de l'action collective, est l'unité de base de l'analyse institutionnaliste et il construit une typologie (marchandage, direction, répartition) recouvrant l'ensemble de l'activité économique. Dans ces transactions, l'acteur est construit socialement comme un citoyen, avec ses droits et ses devoirs, d'une collectivité économique, d'une organisation productive ou d'un réseau d'échanges. La plus ou moins grande sécurité qui entoure son action dépend de la « connexion » plus ou moins forte entre économie, droit et éthique. Dans ce cadre, Commons étudie notamment l'échange comme transfert légal de droits de propriété, la monnaie comme instrument de règlement des dettes-créances, la propriété des actifs intangibles comme des droits putatifs sur des gains futurs, et la relation d'emploi comme un système institué de « relations industrielles ».
L'évolution institutionnelle est alors analysée comme un processus de sélection artificielle, au cours duquel des autorités légitimes doivent opérer des arbitrages « raisonnables », c'est-à-dire socialement soutenables. Par exemple, en situation de pouvoir économique coercitif, telle une situation abusive de monopole ou de trop grand pouvoir discrétionnaire d'un employeur, les autorités juridiques ou administratives devraient « raisonnablement » rééquilibrer les forces en faveur des trans-acteurs les plus vulnérables, ici les consommateurs ou les salariés. Les réformes institutionnelles comme les lois antitrust ou la reconnaissance des droits collectifs des salariés s'inscrivent dans cette logique de réforme raisonnable des institutions économiques.
Contrairement à d'autres approches économiques, l'institutionnalisme assume la portée normative de son analyse, concernant notamment le caractère raisonnable ou non des institutions économiques. Depuis le New Deal, la pensée institutionnaliste cherche ainsi à renouveler la conception des politiques économiques quant à la dimension « instituée » réformable de l'activité économique.
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Écrit par
- Jean-Jacques GISLAIN : professeur de sciences économiques à l'université Laval, Québec
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