INSTRUMENTS DE MUSIQUE Restauration des instruments
L'instrument, objet de collection et de spéculation
Par son aspect décoratif, l'instrument de musique devient fréquemment objet de collection et, de ce fait, tombe sous le coup de la spéculation ; qui dit spéculation dit falsification ; celle-ci est florissante parmi les instruments et a même donné lieu au début du xxe siècle à une industrie en Italie : un certain Leopoldo Franciolini publia un catalogue de ce qu'il vendait ; il s'agissait d'instruments faits de morceaux anciens remontés dans des parties neuves ou d'instruments entièrement falsifiés. Nombre de violons sont des « arlequins », avec une table d'un facteur, un fond d'un autre. Dans les ventes publiques passent des clavecins, des épinettes, des luths qui ne gardent plus qu'un lointain rapport avec ce qu'ils ont pu être à l'origine.
Les instruments à archet sont les plus atteints par la spéculation ; un nombre immense d'instruments change de mains chaque jour dans le monde et, à tort ou à raison, les violonistes, les violoncellistes, sont persuadés que leur carrière se déroulera d'une manière plus éclatante s'ils se servent d'instruments italiens du xviiie siècle. Il est vrai que de beaux violons de grands maîtres de ces écoles italiennes, à condition qu'ils aient été bien entretenus, possèdent des propriétés incomparables pour la richesse du timbre. Mais de nombreux exemplaires ont été et restent médiocres, les siècles ne « bonifiant » que les bons. Certains instruments contemporains sont excellents. L'essentiel reste que le musicien trouve l'instrument qui lui permettra de s'exprimer pleinement. Les écarts de prix entre les instruments anciens et les instruments modernes sont trop souvent sans commune mesure avec le service que l'on attend d'eux et avec leur rendement sonore. Des modes passagères font « monter la cote » de certains luthiers qui, ensuite, sont négligés.
Les archets subissent le contrecoup de la rareté : le déchet est considérable, car un archet est fragile, se répare rarement ou pas du tout et la réparation lui fait perdre une bonne partie de ses propriétés, ainsi que de sa valeur marchande. Les grands archetiers du passé, François Tourte, Dominique Peccate, Alfred Lamy, François-Nicolas Voirin, sont parmi les plus cotés et les archets de ces maîtres peuvent atteindre des prix égaux à ceux de grands violons.
Le mythe Stradivarius demeure inchangé depuis le début du xixe siècle, le prestige de son nom est tel qu'il est devenu symbole de la lutherie, symbole du violon, dans le grand public. Il est hors de doute que ce luthier a produit des instruments d'une qualité incomparable, véritables miracles de timbre, d'équilibre, de rondeur et de puissance, convenant à merveille au lyrisme du romantisme autant qu'à la pureté du classicisme. La spéculation n'a pas manqué de s'y attaquer et les violons de Stradivarius peuvent atteindre des prix vertigineux.
Le grand public ignore en général qu'au xixe siècle des violons ordinaires, construits en grande partie à Mirecourt et en Allemagne, portaient une étiquette imprimée au nom de Stradivarius et datée, n'ayant aucune valeur d'authentification de l'instrument. Ce label était en quelque sorte une indication du modèle imité – de fort loin ! – par le fabricant et correspondait parfois à une notice de catalogue de vente. Nombreux sont les violons de cette sorte, encore en circulation.
L'identification des instruments de lutherie est le fait d'experts assermentés, qui ont appris à former leur œil, durant de longues années, et la consultation d'ouvrages spécialisés par les profanes ne permet pas d'authentifier le vieux violon trouvé dans le grenier.
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Écrit par
- Josiane BRAN-RICCI : conservateur en chef honoraire du patrimoine au musée de la Musique
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