INTÉGRATION ET MESURE
La théorie de Lebesgue
L'additivité dénombrable
On s'est efforcé, dans ce qui précède, de mettre en lumière les idées implicites essentielles de la théorie classique de la mesure et de l'intégration telle qu'elle s'est développée non sans difficultés des Grecs à Riemann, et qui constitue ce que l'on peut appeler la théorie élémentaire de la mesure.
Mais, historiquement, cette prise de conscience de ce qui intervenait fondamentalement dans la théorie classique s'est produite en même temps, sinon plus tard que l'introduction d'une nouvelle idée extrêmement féconde, due à É. Borel, et qui est celle de l'additivité dénombrable.
Reprenons un triplet (X, B, p), et supposons que le clan B contient non seulement les réunions finies de ses éléments, mais aussi les réunions dénombrables, c'est-à-dire supposons que la réunion de toute famille dénombrable d'éléments de B soit un élément de B. On dit alors que B est une tribu, ou encore un σ-anneau (de Boole).
Supposons que μ soit non seulement additive, mais vérifie la condition suivante : Pour toute famille dénombrable (Ai), i ∈ N d'éléments de B deux à deux disjoints, on a :
on dit alors que μ est dénombrablement additive (ou σ-additive). C'est cette situation qui a été envisagée par Borel et qui est toujours, sauf précision limitative, désignée par le terme espace mesuré.Un premier problème est celui de l'existence de tels triplets. Il est évident qu'il existe des tribus : pour tout ensemble X, l'ensemble P(X) de ses parties est une tribu. De plus, l'intersection de toute famille de tribus étant une tribu, il existe, pour toute partie C de P(X), une plus petite tribu qui la contient ; on appelle cette dernière la tribu engendrée par C.
L'existence d'une mesure σ-additive a posé un problème plus redoutable, qui a été résolu par Lebesgue suivant une voie que l'on peut schématiser, dans un cadre plus général que le sien, de la façon suivante : Partons d'un triplet (X, A, m), où A est un clan et m une mesure simplement additive, et considérons la famille D(A) des parties A de X telle que chacune de ces parties soit incluse dans la réunion d'une famille dénombrable (αi), i ∈ N, d'éléments de A. On peut considérer la somme :
qui est un réel positif ou + ∞, et désigner par m*(A) la borne inférieure de l'ensemble de ces sommes obtenues en considérant toutes les familles dénombrables d'éléments de A dont la réunion contient A. L'idée est que m*(A) doit fournir une approximation par le haut (en langage plus mathématique, un majorant) de l'éventuelle mesure de A. On définit ainsi une application m* de D(A) dans R−+ (union de R+ et de {+ ∞}). Il est clair qu'une réunion dénombrable d'éléments Ai de D(A) est un élément de D(A) et l'on a :Cette propriété, plus faible que la σ-additivité, est appelée la σ-sous-additivité, et m* est qualifiée de mesure extérieure associée à (X, A, m).
On considère alors les éléments A de D(A) tels que l'on ait, pour tout élément E de D(A) :
et on montre que leur ensemble est une tribu B qui contient A et que la restriction μ de m* à B est σ-additive. Les éléments de B sont qualifiés d'ensembles mesurables, ou (A, m)-mesurables si on veut rappeler leur origine.Lebesgue a d'abord démontré ce résultat dans le cas où X est un segment de la droite, A le clan engendré par les segments, et m la longueur. Le même processus peut être appliqué à la droite entière, et la mesure obtenue, qui prolonge la longueur et qui est invariante par translation, est appelée mesure de Lebesgue de la droite. (Le même procédé réussit pour les aires, les volumes et l'on parle encore de mesure de Lebesgue dans R2, R3, Rn.)
Il faut noter que B est en général strictement[...]
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Écrit par
- André REVUZ : professeur à la faculté des sciences de Paris, directeur de l'Institut de recherche sur l'enseignement des mathématiques
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