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INTÉGRATION ET MESURE

L'intégrale comme forme linéaire

Le fait que l'intégrale est une forme linéaire sur un espace vectoriel de fonctions est si fondamental qu'il peut en constituer une définition ; cependant cette importance n'était pas encore perçue au moment où Lebesgue créait son intégrale. Un des résultats qui contribua le plus à dégager le rôle de cette notion fut le théorème de F.  Riesz, déjà cité, sur l'identité entre les intégrales de Stieltjes des fonctions continues réelles définies sur un segment[a, b]et les formes linéaires continues sur l'espace de Banach que constituent ces fonctions. Les idées de Riesz furent étendues par J.  Radon, dont le nom est désormais associé aux formes linéaires continues sur l'espace V des fonctions continues à support compact définies sur un espace localement compact X, l'espace V étant muni de la topologie de la convergence compacte ; l'hypothèse de continuité que l'on impose ici à une forme linéaire m sur V s'exprime par le fait que, pour tout compact K de X, il existe une constante M(K) telle que :

où :
pour toute fonction f ∈ V nulle en dehors de K. L'aspect linéaire a paru tellement important aux mathématiciens contemporains, et en particulier à Bourbaki, qu'ils utilisent le terme de mesure de Radon pour désigner non plus des fonctions σ-additives d'ensembles, mais les formes linéaires décrites ci-dessus.

Un autre pas en direction de la linéarisation fut accompli par l'Américain P. J. Daniell, qui exposa une théorie de l'intégration comme méthode de prolongement d'une forme linéaire positive présentant une « continuité » convenable.

Une théorie de l'intégration est d'abord l'étude du prolongement d'une forme linéaire, continue en un certain sens, sur un espace vectoriel de fonction à un espace vectoriel plus vaste. Le cœur de la question est que cet espace plus vaste se présente naturellement sous deux formes différentes – comme complété d'un espace vectoriel topologique dont les éléments sont a priori des classes d'équivalence de suites de Cauchy (cf. espaces métriques, espaces vectoriels normés), ou comme quotient, relativement à une relation d'égalité presque partout, d'espaces de fonctions) – dont il s'agit de montrer qu'elles sont isomorphes.

Voici le schéma d'une telle théorie (selon M. H.  Stone).

(a″) Le départ est un espace vectoriel V réticulé d'applications d'un ensemble X dans R, contenant inf(1, f ) s'il contient f, et une forme linéaire positive I sur V telle que :

(b″) Cela étant, on associe à toute application f de X dans R la quantité N(f ) (réelle positive ou égale à + ∞) définie par :

où la borne inférieure est prise par rapport à l'ensemble des suites (fn) de fonctions de V telles que :
on a alors :
on se restreint alors à l'ensemble G des fonctions f pour lesquelles N(f ) est fini. L'ensemble G est un espace vectoriel qui contient V et sur lequel N est une semi-norme.

Le résultat essentiel est que G est complet pour cette semi-norme.

(c″) On considère alors l'adhérence V̄ de V dans G qui est un espace complet pour la semi-norme N ; on peut prolonger de manière unique, par continuité, I en une forme linéaire Ī continue (relativement à N) sur V̄. Puisque Ī s'annule sur le sous-espace des fonctions telles que N(f ) = 0, on peut définir une forme J sur l'espace quotient V de V̄ pour la relation d'équivalence N(f − g) = 0, et V est un espace de Banach. Si, comme c'est souvent le cas, N(f) = 0 entraîne f = 0 si f ∈ V, V est isomorphe à un sous-espace de V et on peut considérer J comme le prolongement de I de V à V.

Ī et V̄ ont toutes les propriétés signalées plus haut pour l'intégrale de Lebesgue et les espaces [...]

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  • : professeur à la faculté des sciences de Paris, directeur de l'Institut de recherche sur l'enseignement des mathématiques

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