INTÉGRISME
L'intégrisme aujourd'hui
Ce virage amorcé, nombre d'esprits, dès Pie X, étaient convaincus de sa nécessité et y travaillaient sans attendre. Fort peu sans doute imaginaient l'ampleur des remises en cause auxquelles il allait conduire, ni même sa durée.
Trois pontificats séparent Pie X et Jean XXIII : Benoît XV (1914-1922), Pie XI (1922-1939), Pie XII (1939-1958). Les trois papes ont chacun renouvelé la condamnation du modernisme, sans qu'aucun péril précis soit dénoncé ; aucun n'a rien dit contre l'intégrisme, ni même prononcé le mot. C'est insuffisant pour saisir le cours de l'histoire ; or, loin de se dérouler de façon linéaire, celui-ci se présente plutôt comme un rapport de forces dont l'équilibre se déplace alternativement au profit de l'une ou l'autre tendance. L'avènement de Benoît XV avait été marqué par une série de mesures discrètes qui rompaient clairement avec la ligne de son prédécesseur sans cependant le désavouer en rien. Malgré de fortes résistances et quelques incidents mineurs, celui de Pie XI accentua ce mouvement (pour la France, par exemple ; reprise des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la République, interrompues depuis 1904 ; naissance de l'Action catholique spécialisée, inaugurée par la J.O.C. ; développement du syndicalisme chrétien ; et, surtout, condamnation, en 1926, de l' Action française, autour de laquelle se cristallisera l'opposition).
Pie XII avait été formé à l'école de Pie X (en 1911, il avait remplacé Benigni à la secrétairerie d'État), et ce n'est pas sans raison qu'il tenait tant à le canoniser. Tout au long de la Seconde Guerre mondiale, son souci dominant fut d'apparaître au-dessus des parties en conflit et d'échapper aux efforts des belligérants pour utiliser à leur profit l'influence du Saint-Siège. Il n'en avait pas moins cautionné, pour les catholiques américains, l'alliance des États-Unis et de l'Union soviétique. Mais, si l'immédiat après-guerre facilita la poussée d'un progressisme chrétien, la conjoncture se renversa vite et les dix dernières années du pontificat favorisèrent ouvertement le mouvement inverse de cette sorte de centre gauche qui semblait devenu la norme (décret du Saint-Office, 1er juillet 1949, sur la collaboration avec le communisme ; encyclique Humani generis, 1950 ; suppression des prêtres-ouvriers, 1954, etc.).
C'est dans ces conditions que l'intégrisme refit surface. Sous ce nom, on désigna en France un certain nombre d'organismes et de périodiques qui se réclamaient du traditionalisme catholique et combattaient les positions généralement prises par la presse et les mouvements catholiques. Les plus connus étaient : La Cité catholique (Jean Ousset) et sa revue, Verbe (devenue Permanences) ; Itinéraires (Jean Madiran) ; La Pensée catholique (abbé Luc J. Lefèvre) ; Défense du foyer (Pierre Lemaire) ; Nouvelles de chrétienté ; les Éditions Fernand Sorlot et les Éditions du Cèdre ; un congrès international chaque année à Lausanne ; un magazine, Le Monde et la vie, etc. La guerre d'Algérie, l'attitude au Concile de la « minorité » et surtout, depuis, la résistance peu à peu organisée au mouvement de réformes postconciliaire lui donnèrent un nouveau regain. Sans doute n'est-il pas indispensable d'inventorier ici les nombreux titres d'une littérature abondante, imprimée ou polycopiée, livres, lettres, manifestes ou périodiques. Deux courants s'y dessinent : l'un, plus modéré, où se reconnaissent « les silencieux de l'Église » et ceux qu'aujourd'hui nul n'écoute, soucieux d'éviter même l'apparence de schisme ; l'autre, plus intransigeant, qui affirme, quoi qu'il advienne, sa fidélité à un certain état de choses jugé seul compatible avec la véritable foi catholique (Mgr Lefebvre et le[...]
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Écrit par
- Émile POULAT : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
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