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INTELLECTUEL

L'intellectuel au risque de la politique

L'épreuve de la Grande Guerre

La Grande Guerre décima le monde universitaire et artistique. Les positions les mieux établies se révélèrent fragiles. L'anarchisme, l'antimilitarisme qui dominaient initialement chez les intellectuels évoluèrent souvent vers une défense du « poilu », tandis que les pacifistes se trouvaient marginalisés. Malgré la position de Romain Rolland (Au-dessus de la mélée, 1914) l'engagement patriotique domine, ou se transforme en une lutte entre culture et civilisation, comme chez Thomas Mann (Les Considérations d'un apolitique, 1917). L'intellectuel se place aux côtés des combattants (Chroniques de la Grande Guerre). Anatole France lui-même rallie leur camp. Les positions semblent tranchées, mais la réalité est plus complexe. Le Feu de Henri Barbusse (1916), les Cahiers de Maurice Barrès trahissent de profondes inquiétudes. Et ce n'est pas un hasard si en 1917, naît Dada, qui s'efforce de rompre avec toutes les idéologies. La même année, la révolution d'Octobre va modifier le panorama idéologique, redistribuer les rôles, remodeler le monde intellectuel.

En Espagne, restée en dehors du conflit, une prise de conscience s'est fait jour en 1898, avec la défaite subie contre les États-Unis et la perte de Cuba. La génération de 1898 sera tentée par le nihilisme qu'exprime Pio Baroja (1872-1956). De son côté, Ramón del Valle Inclan met en scène une Espagne grotesque et violente. Il existe une inquiétude commune face au destin de pays menacés de déclin. Là encore, la révolution d'Octobre changera la donne.

L'entre deux-guerres

Le monde intellectuel européen réagit en priorité aux événements internationaux. Cette dépendance tient fondamentalement à l'émergence de l'Union soviétique. Désormais, et jusqu'à sa chute, les intellectuels devront constamment se confronter au marxisme. L'évolution des surréalistes est, à cet égard, significative. Ils passeront de Freud à Marx et d'une « révolution poétique » à l'adhésion au Parti Communiste en 1927, non sans réticences ni réserves pour certains d'entre eux. Le communisme offre de nouveaux terrains de contestation. Mais le militantisme à la Barbusse, fondateur de l'hebdomadaire Monde (1928-1935), demeure une exception. Une minorité d'intellectuels cherche une voie médiane entre capitalisme et communisme. Le pacte d'unité d'action signé en juillet 1934 entre communistes et socialistes met fin pour longtemps à leurs tentatives.

La génération qui a dominé la vie intellectuelle disparaît : Barrès meurt en 1923, France en 1924. L'essai que publie Julien Benda, La Trahison des clercs (1923), qui exige des intellectuels qu'ils défendent des valeurs universelles, semble un combat d'arrière-garde au regard de la politisation accrue qui marque l'époque. De fait, les événements de février 1934, l'antiparlementarisme, la victoire du Front populaire modifient le paysage qui était celui des lendemains de la Grande Guerre. La menace fasciste est alors prise au sérieux. Le fascisme séduit Drieu La Rochelle, Henri Béraud ou Ramon Fernandez et conduit ses adversaires à se regrouper pour organiser la défensive. Les intellectuels en prennent l'initiative. En 1934, se crée ainsi le Comité d'action antifasciste et de vigilance. La victoire du Front populaire, en 1936, installe sur le devant de la scène les organisations culturelles qui avaient œuvré à sa victoire.

En juin 1935 se tint à Paris un congrès international des écrivains pour la défense de la culture. On y exalta l'U.R.S.S., seul rempart contre le fascisme. Ce qui permit au P.C.F. de servir les intérêts idéologiques et politiques de l'U.R.S.S. et d'affirmer sa crédibilité culturelle. Commence alors le temps des compagnons[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite de l'université de Tours, Institut universitaire de France

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