INTELLIGENCE ARTIFICIELLE (IA)
Évolution de l’intelligence artificielle
Discipline encore jeune, l’intelligence artificielle a déjà connu de nombreuses évolutions. On peut les résumer en six étapes.
Le temps des prophètes
Tout d’abord, dans l’euphorie des origines et des premiers succès – avec en particulier la réalisation en 1956 du Logic Theorist, un programme informatique développé par Allen Newell (1927-1992) et Herbert Simon (1916-2001) qui démontra automatiquement 38 des 52 premiers théorèmes de logique mathématique de l’ouvrage Principia Mathematica (1910) d'Alfred North Whitehead (1861-1947) et Bertrand Russell (1872-1970) –, les chercheurs se sont laissés aller à des déclarations plutôt inconsidérées qui leur seront beaucoup reprochées par la suite. C’est ainsi qu’Herbert Simon – qui recevra en 1978 le prix Nobel d’économie – prédit en 1958 que les machines seront championnes du monde aux échecs dix ans plus tard si elles ne sont pas exclues des compétitions internationales. De même, il affirme que, toujours dans un délai de dix ans, elles démontreront des théorèmes originaux en mathématiques, composeront de la musique douée d’une indéniable valeur esthétique, que les théories psychologiques prendront toutes la forme de programmes informatiques… Même si l’enthousiasme des chercheurs de l’époque se montrait excessif, force est de constater que leurs prédictions se sont progressivement réalisées, mais sur une durée de temps beaucoup plus longue que celle qu’ils avaient prévue. Ainsi, il a fallu attendre 1997 pour qu’un programme informatique l’emporte sur l’un des meilleurs joueurs d’échecs au monde. De même, des ordinateurs aident d’ores et déjà des mathématiciens à faire des démonstrations et des musiciens à composer de la musique. Quant aux théories de psychologies cognitives, beaucoup d’entre elles recourent désormais à des modélisations informatiques… D’ailleurs, les sciences cognitives tiennent justement à de telles modélisations de l’esprit qu’elles assimilent à un système de traitement de l’information.
Les années sombres
À partir du milieu des années 1960, les progrès tant espérés tardent à venir. Et c’est bien le cas en 1965 lorsqu’un enfant de dix ans l’emporte sur un ordinateur au jeu d’échecs. Nous sommes encore loin de voir se réaliser les prophéties de Herbert Simon ! L’année suivante, le rapport du comité ALPAC (Automatic Language Processing Advisory Committee), commandé par le Sénat américain, fait état des limitations des projets de recherche sur la traductionautomatique. Rappelons à cet égard que, dès 1951, avant même que le terme d’intelligence artificielle ne soit inventé, commencent les premiers travaux sur la traduction automatique aux États-Unis, à l’université de Georgetown, ce qui suscite un grand enthousiasme et d’abondants financements. Les méthodes développées reposent sur une traduction mot à mot, avec un dictionnaire qui associe à chaque terme de la langue source et à son contexte dans le texte de départ un équivalent dans la langue cible. Ces travaux ne recourent à aucune connaissance linguistique, qu’elle soit d’ordre syntaxique – à savoir grammaticale –, d’ordre sémantique – c’est-à-dire relative à la signification des expressions –, ou encore d’ordre pragmatique, autrement dit reliée à la fonction communicative des textes. Les résultats dérisoires des premières réalisations suscitent alors chez les linguistes du comité ALPAC de féroces critiques qui conduisent à stopper toutes les recherches en traduction automatique aux États-Unis.
L’intelligence artificielle n’est pas directement concernée par ces critiques, mais elle en subit tout de même le contrecoup. Il s’ensuit qu’elle a mauvaise presse aux États-Unis pendant une dizaine d’années.
L’intelligence artificielle sémantique
Les travaux ne[...]
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Écrit par
- Jean-Gabriel GANASCIA : professeur des Universités, faculté des sciences, Sorbonne université, Paris
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