INTELLIGENCE ARTIFICIELLE (IA)
Ambiguïté sur l'expression « intelligence artificielle »
Le succès de l'expression « intelligence artificielle » repose parfois sur un malentendu lorsqu’elle désigne une entité artificielle douée d’intelligence et qui, de ce fait, rivaliserait avec les êtres humains. Cette idée d’une intelligence artificielle venant à dépasser à terme l’ensemble des facultés humaines renvoie à des mythes et des légendes anciennes telle celle du Golem, réactivée pourrait-on dire depuis le milieu des années 2010 par des personnalités comme l’astrophysicien Stephen Hawking (1942-2018), le chef d’entreprise Elon Musk, l’ingénieur Ray Kurzweil ou encore par les tenants de ce que l’on appelle aujourd’hui l’« intelligence artificielle forte » et l’« intelligence artificielle générale ». Notons que, parmi ceux-là, certains (comme Elon Musk) font semblant de s’en inquiéter, alors que d’autres (comme Ray Kurzweil) s’en réjouissent. Cela étant, tous supposent que l’intelligence artificielle excédera la nature humaine, au point de mettre en cause sa suprématie.
Intelligence artificielle forte
La notion d’intelligence artificielle forte a été introduite en 1985 par le philosophe américain John Searle qui souhaitait distinguer l’intelligence artificielle des informaticiens (qu’il appelait weak artificial intelligence, « intelligence artificielle faible ») de celle dont rêvaient certains de ses collègues philosophes d’orientation cognitiviste et qui aurait été, selon eux, en mesure d’accéder à la signification et à la compréhension (strong artificial intelligence, « intelligence artificielle forte »). Or, selon Searle, l’intelligence artificielle des informaticiens ne procède qu’à des manipulations syntaxiques sur des symboles, ce qui ne lui permet pas d’accéder à leur sémantique, autrement dit au sens. De même, contrairement à ce que prétendaient certains philosophes cognitivistes, pour John Searle, l’intelligence artificielle n’accède ni à la conscience ni à l’émotion.
Pourtant, à la fin des années 1980, des roboticiens, dont Hans Moravec, ont prétendu renouveler l’intelligence artificielle en lui permettant de simuler la perception des objets, d’accéder au sens et par là d’ouvrir la voie à la réalisation d’une intelligence artificielle forte. Les succès de l’apprentissage profond depuis le milieu des années 2010 donnent une vigueur renouvelée aux partisans de l’intelligence artificielle forte. Néanmoins, il n’existe ni preuve scientifique ni démonstration expérimentale laissant entendre qu’elle soit réalisable et a fortiori à notre portée.
Intelligence artificielle générale
Depuis la fin des années 1990, certains chercheurs prétendent que l’on peut accéder aux principes généraux de l’intelligence et les programmer sur une machine. Ce courant appelé « intelligence artificielle générale » (artificial general intelligence), expression introduite en 1997, cherche à dégager un principe ultime qui serait au fondement de n’importe quelle intelligence. Ses tenants sont généralement des physiciens qui essaient de trouver une formalisation mathématique générique résumant toutes les facettes de l’intelligence, qu’il s’agisse de l’intelligence humaine ou animale ou encore génétique, voire physique, et qui serait l’équivalent de l’équation de Schrödinger pour la physique. Autrement dit, ils aspirent à trouver une formule mathématique qui rendrait compte de l’ensemble des formes d’intelligence qui existent dans la nature. Si une telle formule existait et si l’on pouvait concevoir une machine qui soit en mesure de l’exploiter, nous pourrions éventuellement réaliser une intelligence artificielle forte, consciente d’elle-même, ou réduite à un phénomène abstrait, calculatoire, dénué de sensibilité et d’affect, mais qui, dans tous les cas,[...]
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Écrit par
- Jean-Gabriel GANASCIA : professeur des Universités, faculté des sciences, Sorbonne université, Paris
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