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INTELLIGENCE ARTIFICIELLE (IA)

Questions éthiques

Avec l’intelligence artificielle, la plupart des dimensions de l’intelligence – sauf peut-être l’humour – font l’objet d’analyses et de reconstructions rationnelles avec des ordinateurs. De plus, les machines outrepassent les facultés cognitives de l’homme dans la plupart des domaines, ce qui fait craindre à certains des risques d’ordre éthique.

On a beaucoup glosé sur la question des voitures autonomes. L’expérience de pensée selon laquelle les ingénieurs qui programment une voiture devraient froidement choisir entre l’option d’écraser cinq jeunes gens insouciants traversant la rue au feu vert ou celle de sacrifier la vie du passager du véhicule a beaucoup marqué l’opinion. L’accident de Tempe (Arizona), en mars 2018, mettant en jeu une voiture autonome de la société Uber montre pourtant que les enjeux sont assez différents : pour le confort des passagers, Uber avait décidé que la voiture ne prendrait pas en considération les obstacles inattendus, comme les sacs en plastique ou les feuilles mortes, qui rendent la conduite lente et chaotique. Cette nuit-là, le piéton qui traversait la rue en poussant son vélo sans signalisation a donc été volontairement ignoré par le logiciel de conduite, bien qu’il ait été détecté par les capteurs du véhicule. Sa mort, qui n’est pas liée à une défaillance du système mais à un réglage trop tolérant ne permettant pas à la voiture de réagir en temps voulu, est venue renforcer les interrogations quant à la sécurité des voitures autonomes.

Plus généralement, les risques éthiques sont de trois ordres : une raréfaction du travail, remplacé par l’activité des machines ; des conséquences pour l’autonomie de l’individu, en particulier pour sa liberté et sa sécurité ; un dépassement de l’humanité, laquelle disparaîtrait au profit de machines plus « intelligentes ». En ce qui concerne le premier point, un examen détaillé ne démontre pas que l’automatisation de certaines tâches entraîne nécessairement la disparition du travail humain. Les études parues sur ce sujet concluent de façon divergente : certaines prophétisent l’automatisation de tous les métiers avant le milieu du xxiie siècle, mais la méthodologie qu’elles suivent laisse les scientifiques dubitatifs. D’autres expliquent que le travail se transforme et fait appel à de nouvelles compétences, de sorte qu’il en va identiquement avec le développement des technologies d’intelligence artificielle qu’il en est allé dans le passé avec d’autres technologies : certains métiers ont disparu, d’autres ont évolué et quelques-uns sont apparus. De même, l’autonomie de l’individu et sa liberté ne sont pas inéluctablement remises en cause par le développement de l’intelligence artificielle, à condition toutefois de demeurer très vigilants face aux intrusions de la technologie dans la vie privée, notamment via l’exploitation des données personnelles collectées. Enfin, contrairement à ce que certains prétendent, les machines ne constituent aucunement un risque existentiel pour l’humanité, car leur autonomie n’est que d’ordre technique, en cela qu’elle ne correspond qu’à des chaînes de causalités matérielles qui vont de la prise d’information à la décision. En effet, les machines n’ont pas d’autonomie morale car, même s’il arrive qu’elles nous trompent, par les textes et les images qu’elles génèrent, ou qu’elles nous déroutent et nous fourvoient dans le temps de l’action, autrement dit qu’elles nous dressent des pièges, ceux-ci ne sont jamais intentionnels car elles n’ont pas de volonté propre et restent asservies aux objectifs que nous leur avons fixés.

— Jean-Gabriel GANASCIA

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