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INTENDANTS

Les trente-six intendants de la France

Le meilleur exposé d'ensemble sur les prérogatives des intendants, « commissaires départis [...] aux finances, à la justice et à la police », se trouve dans le traité de P. Guyot. Les intendants sont le reflet et les représentants de l'autorité centrale : ils sont donc forts de la puissance de la monarchie bureaucratique, et faibles de ses hésitations et contradictions. La distance-temps de la capitale aux chefs-lieux d'intendance, bien plus considérable alors que de nos jours, leur donne une certaine autonomie. Les bureaux versaillais, c'est-à-dire les premiers commis, les surveillent étroitement, et le circuit administratif les tient plus qu'on ne l'a dit. Par ailleurs, la diversité des situations provinciales fait que leur liberté et leurs possibilités d'action sont très variables. Certains d'entre eux doivent compter avec les états provinciaux, avec les parlements, tel ou tel étant toutefois favorisé du sort, comme celui de Provence, qui est, de droit, premier président du parlement d'Aix. Les gouverneurs, les commandants en chef ont conservé souvent des pouvoirs assez étendus. Enfin, les intendants, qui ne furent pas tous remarquables, sont obligés, maintes fois, de composer avec les fortes personnalités locales ou la noblesse de cour.

En dépit de ces réserves, il est possible de tracer un portrait de la fonction à son apogée. Les intendants se recrutent presque exclusivement dans le corps des maîtres de requêtes, pépinière des grands commis de l'Ancien Régime. Ils en forment la « matière première », mais n'aspirent qu'« à ne l'être plus » (L. Daguesseau). La maîtrise des requêtes est un office qui exige d'avoir passé six ans dans une cour souveraine. Ces offices coûtent cher : 200 000 livres en 1665, 150 000 livres vers 1700, 100 000 livres vers 1750, et leur nombre est limité (quatre-vingt-huit en 1689, soixante-dix-huit en 1789). Formés à la pratique administrative par leur passage au Conseil royal, les maîtres de requêtes trouvent dans les trente-six intendances un de leurs emplois, parmi les principaux. Ce poste peut leur ouvrir la voie aux plus hautes fonctions de l'État ; la durée des intendances se révèle donc fort variable. Sous Colbert, la durée moyenne n'excède pas trois ans neuf mois. Au xviiie siècle, la situation est plus complexe, fort différente d'une généralité à l'autre, d'une personne à l'autre. En Alsace, la durée moyenne fut de neuf ans ; en Anjou et en Bretagne, de huit ans ; en Dauphiné, de onze ans ; en Languedoc, de dix-sept ans ; en Provence de vingt-cinq ans. Il y a des intendances qui servent de lieu de stage pour débutants, quelques-unes sont difficiles, réservées aux ambitieux, ainsi la Bretagne. Certaines furent « familiales », comme la Provence avec les Le Bret et les Gallois de La Tour. Il en est enfin qui sont très convoitées, comme celle de Soissons, du fait de la proximité de Paris.

Quant aux intendants, ils furent pour la plupart des personnalités remarquables. Beaucoup d'entre eux sont issus de familles de robe, auxquelles ils s'opposent cependant violemment, parfois jusque dans leur vie familiale. Contrairement à un préjugé très répandu, leur noblesse est souvent assez ancienne, mais il n'a pas manqué parmi eux d'« hommes nouveaux », tel Bidé de Grandville, très lié aux milieux d'affaires malouins. Après les premiers commis, ils partagent une caractéristique comme le respect profond de leur métier ; un idéal commun : ils considèrent l'administration comme l'un des meilleurs moyens pour faire « avancer l'amélioration de l'État ».

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Rennes

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