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INTENDANTS

Des intendants aux préfets : le gouvernement des peuples

Après 1750, une double évolution se dessine. En premier lieu, les intendants, placés à l'un des carrefours sociaux les mieux situés, participent au mouvement général des idées, d'autant plus que les nécessités pratiques de l'administration tendent à leur imposer une vision nouvelle, et originale, du « gouvernement des peuples ». Ce sont souvent des novateurs. Ils tendent, de plus en plus, à s'occuper de statistique, de démographie, d'économie, de problèmes médicaux et sociaux, du « bonheur des peuples ». Ils sont les réalistes de cette époque « réformatrice » entre toutes. Par ailleurs, l'affaiblissement évident du pouvoir monarchique, tant dans la personne des rois que dans celle des contrôleurs généraux, le renforcement des résistances diverses, les succès remportés par les oppositions variées diminuent dans une large mesure les pouvoirs réels des intendants. L'institution est donc obligée de se transformer, de biaiser, de négocier au lieu de s'imposer. Le cas breton est certes un cas limite. On a pu dire que l'intendance de Rennes devient plus un rouage d'observation, de renseignement, de diplomatie que d'exécution (H. Fréville). Mais il en va de même, à des degrés divers, des autres intendances.

Enfin, le rôle de certains subdélégués comme le subdélégué général, qui remplaçait l'intendant pendant ses absences, ceux des grandes villes ou ceux qui se révélaient particulièrement capables, est allé grandissant. Dans nombre d'enquêtes, l'intendant, depuis longtemps, ne fait plus que recopier, ou nuancer, les avis de son adjoint local. Cette évolution, qui déplace une part du pouvoir réel des intendants vers certains de leurs subordonnés, préfigure, en réalité, la division des généralités en départements, puis en préfectures, qui furent d'ailleurs occupées, en partie, par eux.

Au total, lorsque la Révolution éclate, l'intendance est très affaiblie et, par le déclin du pouvoir central, fortement affectée par les échecs successifs des essais de réforme et par la pré-révolution aristocratique, et par l'érosion quotidienne que subissent sur place les intendances provinciales. Il ne faut donc pas prendre les affirmations des cahiers de doléances au pied de la lettre. Celui de Ville-Bergues affirme que « notre administration actuelle est conduite par l'autorité d'un seul homme : c'est le commissaire départi, l'intendant, qui est le chef administratif [...]. Il faut que tout passe par son autorité : personne n'oserait manifester un avis différent du sien, de peur d'encourir sa disgrâce et de perdre la faveur et la protection de Monseigneur l'intendant. C'est donc l'arbitraire, la volonté d'un seul qui est le principe de l'administration actuelle. » D'où les propagandes (très intéressées) pour la généralisation d'institutions comparables à celles des pays d'états. « Que la province de Guienne soit érigée en pays d'états, à l'instar de celle du Dauphiné, afin de la débarrasser de cette infâme administration des intendants, qui ont fait jusqu'ici la ruine des provinces », croit devoir réclamer un autre cahier (Beaufort, Haute-Garonne). Les cahiers de la noblesse, reprenant les vieux griefs de Saint-Simon, sont tout aussi durs : « La plus grande marque de respect que nous puissions donner à Sa Majesté est de garder le silence sur leur administration », dit à propos des intendants celui de Montreuil. Ces citations n'ont point de valeur démonstrative absolue, car il est aussi des cahiers favorables aux intendants. L'étude quantitative critique des cahiers reste d'ailleurs à entreprendre.

Un fait est certain : les intendants dans leur ensemble ont moins souffert de la Révolution[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Rennes

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