INTERACTIONS (physique) Interaction nucléaire faible
Les symétries brisées
Une des caractéristiques les plus notables de l'interaction nucléaire faible est son comportement sous l'action des transformations dans lesquelles les autres forces montrent des propriétés de symétrie remarquables. Ainsi, la symétrie de parité, aussi appelée symétrie miroir – la transformation de parité notée Pfait passer toutes les coordonnées spatiales en leurs opposées –, est respectée par la gravitation, l'électromagnétisme et la force nucléaire, mais est violée de façon maximale lors des désintégrations comme le suggèrent en 1956 deux jeunes théoriciens, Chen-Ning Yang (né en 1922) et Tsung-Dao Lee (né en 1926), dans une interprétation hardie de certaines données expérimentales fournies par l'accélérateur de particules de Brookhaven, près de New York. En quelques mois, leur audacieuse hypothèse est confirmée expérimentalement par l'équipe de la physicienne Chien-Shiung Wu (1912-1997), qui montre que la désintégration β des noyaux radioactifs de cobalt 60 distingue bien la droite de la gauche. Cette violation est maximale, dans le sens que le transformé par parité d'un neutrino n'existe pas.
De plus, on s'aperçoit rapidement qu'une autre symétrie, la « conjugaison de charge » (notée C), qui associe l'antimatière à la matière, est aussi violée par l’interaction faible. Énoncée en 1931 par Robert Oppenheimer (1904-1967) et Paul Dirac (1902-1984) comme conséquence de l’équation proposée par ce dernier pour décrire les interactions électromagnétiques, l'invariance des lois physiques par conjugaison de charge a toujours été vérifiée jusqu’aux études précises des désintégrations β. On s’est alors aperçu que l'antineutrino émis dans une réaction β+ n'est pas exactement le « conjugué de charge » du neutrino émis dans la désintégration β–.
Pendant un premier temps, l'application successive des deux transformations C et P (transformation désignée par le produit CP) semble une symétrie de l'interaction faible, car l’antineutrino se comporte comme l'image du neutrino dans un miroir. Cependant, en 1964, la mesure fine des désintégrations des mésons K par les physiciens américains James Cronin (1931-2016) et Val Fitch (1923-2015), colauréats du prix Nobel en 1980, démontre que la symétrie CP n’est pas complètement respectée par les interactions faibles. Cette faible violation de symétrie est caractérisée par un paramètre de l'ordre de 0,002. Elle est considérée dans les théories cosmologiques modernes comme une composante essentielle pour la compréhension de la prédominance actuelle dans l’Univers de la matière sur l'antimatière. Cette violation est mesurée très précisément à partir des années 2000 à Stanford (Californie) et Tsukuba (Japon) par des expériences (appelées respectivement Babar et Belle) d'annihilations d'un électron et d'un positron sélectionnées pour produire abondamment des mésons contenant un quark b ; de masse environ cinq fois celle du proton, ces mésons ont des modes de désintégration particulièrement sensibles aux effets de violation de CP, que ces expériences ont bien confirmés.
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Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
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