INTERACTIONS (physique) Interaction nucléaire forte
L' interaction nucléaire forte, longtemps inaccessible, est responsable de la cohésion des divers noyaux atomiques. Sa compréhension a nécessité l'usage d'accélérateurs de particules, seuls outils capables de sonder la matière jusqu'à l'échelle où elle joue un rôle dominant. Sa description actuelle se fonde sur la théorie quantique des champs de quarks et de gluons.
La théorie de Yukawa et les mésons
En 1921, James Chadwick propose, à partir d'observations des collisions entre des rayons α et des noyaux atomiques, l'existence d'une force extrêmement intense. La description de cette force pose dès le départ une quantité de problèmes aux théoriciens, en particulier tant que l'existence et la nature du neutron ne sont pas solidement établies. En 1932, Werner Heisenberg propose une première théorie quantique (mais non relativiste) de ces nouvelles interactions intranucléaires sur la base d'échanges d'électrons ayant pour effet de créer un potentiel attractif de très courte portée entre les protons d'un noyau. Il reconnaît, de plus, que cette nouvelle force doit agir de façon comparable entre des neutrons ou entre des protons. Mais Heisenberg, comme la plupart des physiciens mystifiés par les étranges propriétés de la désintégration bêta, considère le neutron comme un état lié d'un proton et d'un électron et ne sépare pas les phénomènes dus à l'interaction forte de ceux dus à la radioactivité.
En 1934, le jeune physicien japonais Hideki Yukawa propose de décrire l'interaction nucléaire forte entre les nucléons comme un champ quantifié en nouvelles particules, les mésons. Selon sa théorie, ce champ quantique a les caractéristiques mathématiques du potentiel scalaire utilisé en électrodynamique. Comme l'échange de photons exprime l'interaction électromagnétique entre des particules chargées, l'échange de mésons (plus tard appelés π) induit les forces attractives entre les nucléons (les protons et les neutrons). Sur la base de la portée des interactions, Yukawa estime que la masse des mésons est environ 200 fois supérieure à celle des électrons. L'idée est rapidement prise au sérieux et, dans les années qui suivent, divers physiciens affinent et complètent ce modèle, prédisant, par exemple, que les mésons se désintègrent spontanément en deux photons s'ils sont neutres électriquement, en un électron et un neutrino s'ils portent une charge. Les mésons π furent effectivement découverts en 1947 au cours des campagnes d'étude des rayons cosmiques. En effet, les détecteurs placés dans des observatoires situés à haute altitude permirent d'analyser les traces des nombreuses particules plus ou moins éphémères issues des collisions sur les atomes atmosphériques des protons de haute énergie venant du cosmos. Des collisions semblables furent bientôt provoquées par l'utilisation de cyclotrons et synchrotrons toujours plus puissants construits aux États-Unis, puis en Europe, dans les années 1950-1970.
Les données expérimentales recueillies auprès de ces accélérateurs allaient, dans un premier temps, compliquer le paysage. D'une part, l'analyse des caractéristiques des particules émises lors des collisions met au jour une spectroscopie foisonnante d'états « résonants ». Ainsi, un méson π et un nucléon sont préférentiellement produits via certains états intermédiaires, appelés Δ ou Ν*, de durée de vie extrêmement courte. De même, deux ou trois mésons π apparaissent souvent comme issus de mésons plus lourds notés ρ ου ω. D'autre part, l'analyse des amplitudes de diffusion de deux protons montre que les processus d'échanges de mésons π ne suffisent nullement à rendre compte de la dynamique des interactions fortes. Il faut d'abord y ajouter l'échange[...]
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Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
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