INTERACTIONS (physique) Interaction nucléaire forte
La chromodynamique quantique
Les développements théoriques novateurs des années 1967-1972 permettent d'accéder à la compréhension moderne de l'interaction nucléaire forte. Dans le cadre de la chromodynamique, théorie quantique des champs construite à partir du modèle qu'est l'électrodynamique quantique, l'interaction nucléaire forte est la manifestation de quelques processus élémentaires mettant en jeu les quarks et les gluons. De nouvelles « charges » quantiques, appelées « couleurs », jouent le rôle de la charge électrique. Huit particules différentes sont équivalentes aux photons : ces gluons, capables de changer la couleur d'un quark, portent eux aussi un caractère coloré. L'intensité de l'interaction forte est, au niveau élémentaire, décrite par le couplage entre les quarks et les gluons et par l'autocouplage des gluons. Cette intensité varie significativement avec la distance des objets, et cela de façon assez paradoxale puisqu'elle diminue lorsque la distance décroît. C'est ce qu'on appelle la propriété de liberté asymptotique, comprise en termes théoriques comme une propriété d'anti-écrantage des charges élémentaires par les fluctuations quantiques du vide qui les entoure. À une distance de l'ordre du femtomètre, l'interaction forte entre les quarks est dix fois plus efficace que l'électromagnétisme. La minuscule portée des forces entre les protons et les neutrons s'explique dans ce cadre par la neutralité de couleur des nucléons. S'ils sont très proches, les fuites de flux de couleur à partir des quarks et des gluons mal localisés dans les différents nucléons induisent une force attractive suffisante pour assurer la stabilité du noyau. Si les nucléons sont éloignés, la charge effective de couleur devient trop faible pour donner naissance à une force intense.
La chromodynamique quantique obéit à une loi de symétrie fondamentale. Sa dynamique est invariante dans une redéfinition des « couleurs » des quarks et des gluons. Cette propriété se traduit mathématiquement par l'invariance des équations fondamentales lors des transformations − dites de jauge − qui modifient arbitrairement la phase (au sens de la théorie mathématique des nombres complexes) de la fonction d'onde des particules. Ces transformations ont la structure mathématique du groupe de jauge noté SU(3). Une autre propriété de symétrie est approximativement respectée : les transformations chirales, qui distinguent les champs « gauches » et « droits », dans le sens donné en stéréochimie à certaines molécules, laissent invariantes certaines équations maîtresses de la théorie, mais l'état fondamental – ce qu'on appelle le vide quantique − brise cette invariance, ce qui a pour conséquence que les états physiques ne reflètent pas cette symétrie sous-jacente. On dit que la symétrie chirale est « spontanément brisée » ; la conséquence la plus importante de cette propriété est la faible masse du méson π qui joue dans ce contexte un rôle très particulier.
La caractéristique la plus surprenante de la chromodynamique quantique est que les champs fondamentaux − quarks et gluons – n'apparaissent pas directement dans les expériences habituelles. Des quarks isolés ne peuvent pas être détectés car ils restent groupés et confinés dans les protons, neutrons et autres hadrons. Cependant, des études théoriques ont montré qu'un ensemble de hadrons se dissout en une « soupe » de quarks et de gluons lorsque la densité d'énergie dépasse une valeur critique environ dix fois supérieure à celle qui existe dans un noyau. Au-dessus de cette « température de déconfinement », l'état de la matière nucléaire est un plasma dans lequel quarks et gluons interagissent sans se rassembler en hadrons. Dans le scénario du [...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
Classification
Médias
Autres références
-
INTERACTION (physique)
- Écrit par Étienne KLEIN
- 1 683 mots
Dans la nature, les objets sont soumis à toutes sortes de forces qui s'exercent à distance. Ainsi, par exemple, deux masses s'attirent, deux charges électriques s'attirent ou se repoussent suivant leur signe. Les objets ont une action l'un sur l'autre : ils interagissent. La conception classique de...
-
PARTICULES ÉLÉMENTAIRES
- Écrit par Maurice JACOB et Bernard PIRE
- 8 172 mots
- 12 médias
Les interactions entre particules élémentaires, sur lesquelles nous reviendrons plus en détail, correspondent à l'émission d'un champ et à la réaction à ce champ. L'archétype est le champ électrique, créé par la présence d'une particule chargée, qui influence d'autres éléments chargés.... -
DÉTECTEURS DE PARTICULES
- Écrit par Pierre BAREYRE , Jean-Pierre BATON , Georges CHARPAK , Monique NEVEU et Bernard PIRE
- 10 978 mots
- 12 médias
...mesurer leur flux moyen, leur énergie, leur position spatiale, ou à déterminer leur nature. Les problèmes varient suivant la nature des rayonnements dont l'interaction avec la matière conditionne le choix du type de détecteur. Mais, en règle générale, l'impulsion électrique finale est commandée par l'interaction... -
AXIONS
- Écrit par Bernard PIRE
- 2 118 mots
- 2 médias
...théorie, la chromodynamique quantique (QCD, pour Quantum ChromoDynamics), construite au début des années 1970 pour rendre compte des manifestations de l’interaction forte liant quarks et gluons comme éléments fondamentaux de la matière nucléaire. Pour suivre le raisonnement des physiciens théoriciens,... -
BANDES D'ÉNERGIE THÉORIE DES
- Écrit par Daniel CALÉCKI
- 946 mots
- Afficher les 37 références