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INTÉRÊT, sciences humaines et sociales

Psychologie et psychanalyse

C'est à travers la pédagogie – et notamment grâce à la réflexion pédagogique de Johann Friedrich Herbart – que la notion d'intérêt s'est imposée à la psychologie. Encore conviendra-t-il de remarquer que ce déplacement n'est pas intervenu sans quelque appauvrissement. Le Traité de pédagogie de Herbart souligne, en effet, dans l'intérêt la détermination essentielle de l'action spontanée (Selbsttätigkeit) ; et cette vue apparaît profonde dans la mesure où elle implique de la part du moi, du moi en tant qu'individualisé, la manifestation explicite et la signature de son autonomie. Elle n'en sera pas moins récusée par Édouard Claparède, et cela du moment même où ce dernier entend lui conférer un statut au regard de la psychologie expérimentale. Si Herbart, en effet, a cru possible de fonder une pédagogie sur la théorie générale du psychisme, et nommément sur sa conception de « séries représentatives » dotées d'une capacité dynamique, c'est que cette dernière caractéristique est de nature à soutenir l'exercice de la spontanéité. Tel est cependant le terrain sur lequel Claparède a choisi d'exercer sa critique : « Herbart, peut-on lire dans l'Éducation fonctionnelle (p. 18), a très justement insisté sur l'importance de l'intérêt dans l'éducation et l'instruction. » Cependant, « cet intérêt herbartien, loin d'être ce besoin de savoir pour agir qui nous pousse à acquérir des connaissances ou à poser des questions, n'est que l'effet de la mécanique des représentations, le résultat et non la cause de l'aperception ». Quoi qu'il en soit, quelle conception de l'intérêt Claparède tentera-t-il donc de substituer à celle de Herbart ? Une représentation réduite à un rapport fonctionnel d' adaptation entre l'individu et le milieu. Il en formule l'exigence sous la forme d'une « loi de l'intérêt » : « L'intérêt est ce qui nous importe à un moment donné, ce qui a une valeur d'action parce que cela répond à un besoin. L'objet qui est capable de satisfaire le besoin, il nous paraît intéressant de l'atteindre et d'y conformer notre conduite. Nous pouvons donc formuler une loi de l'intérêt, qui n'est en quelque sorte qu'un aspect plus général, plus psychologique aussi, de la loi du besoin : toute conduite est dictée par un intérêt, c'est-à-dire : toute action consiste à atteindre la fin qui nous importe au moment considéré. » De ce point de vue, pourront être unifiées les différentes acceptions du terme d'intérêt : il convient, en effet, de distinguer entre un « intérêt biologique », c'est-à-dire « pratique, vital » (il est de l'intérêt de Paul d'étudier la botanique) et un intérêt psychologique. On les considérera cependant comme équivalents si l'on remarque que leur divorce « provient de la dissolution partielle des instincts chez l'homme, dissolution à laquelle l'expérience acquise et la raison sont appelées à suppléer » (Le Développement mental, p. 197). S'il est vrai cependant qu'« un organisme est en butte à un nombre considérable d'excitations » et que « ses possibilités de réaction sont multiples », un principe de sélection est requis. Claparède s'appuiera ici sur la « loi de l'intérêt momentané », avec l'appui d'une hypothèse de distribution énergétique entre les différentes sollicitations. Bien entendu, cette distribution variera selon les paliers de développement. L'ordre d'émergence des intérêts présentant – à la différence des dates – une constance remarquable donnera matière à deux genres de recherches, extraspective et, à partir d'un certain âge, introspective. En bref, le travail de Claparède, travail de pionnier au regard de la psychologie,[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre

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Découverte de soi - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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