INTERMEZZO, Jean Giraudoux Fiche de lecture
« Le bruit de la vie même »
Au premier acte domine la satire sociale, les dérèglements surnaturels agissant comme autant d'artifices chargés de désigner le fonctionnement vicié et injuste des institutions civiles : « Le Maire – J'ajoute que plusieurs coïncidences étranges témoignent de l'intrusion, dans notre vie municipale, de puissances occultes. Nous avons tiré l'autre dimanche notre loterie mensuelle, c'est le plus pauvre qui a gagné le gros lot en argent, et non le gagnant habituel, M. Dumas, le millionnaire, qui d'ailleurs a fort bien tenu le coup ; c'est notre jeune champion qui a gagné la motocyclette et non la supérieure des bonnes sœurs à laquelle elle échéait régulièrement. Cette semaine, nous avons eu deux décès : les deux habitants les plus âgés, qui par-dessus le compte, étaient le plus avare et la plus acariâtre. Pour la première fois, le sort nous débarrasse, le hasard frappe à coup sûr. »
La critique de Giraudoux recourt aux figures grotesques, comme celles des vieilles sœurs Mangebois, duettistes outrées porteuses du quant-à-soi et de la voix malveillante de la communauté.
L'intrigue se recentre par la suite autour de la liaison du spectre et de l'institutrice, et donne lieu à quelques variations poétiques autour de l'antithèse existentielle opposant la vie et la mort. Une telle thématique culmine au dernier acte, lorsque se voit constitué le trio formé par Isabelle et ses deux prétendants, le fantôme et le Contrôleur des poids et mesures, dont la fonction annonce symboliquement l'idéal modéré et pondéré qu'il oppose à la tentation morbide de la jeune fille, dans une apologie pro domo du fonctionnariat et de ses saveurs insoupçonnées.
Mais c'est dans le « chœur provincial » final que réside le morceau de bravoure d'Intermezzo. Dans une sorte d'apothéose de l'imagerie d'Épinal, retentissant de formules puisées à la source des manuels scolaires et du langage administratif, Giraudoux tente de reconstituer le tissu sonore, le bruissement vital qui ferait taire les puissances macabres.
La pièce fut créée à la Comédie des Champs-Élysées en mars 1933, avec une musique originale de Francis Poulenc, dans une mise en scène de Louis Jouvet, également interprète du rôle du Contrôleur, et soucieux de défendre un théâtre de texte. C'est précisément sans doute cette place donnée au littéraire, au sein d'un cadre théâtral très traditionnel, qui confère à cette œuvre, où résonne un curieux hymne à la France sous-préfectorale, sa poésie désuète.
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Écrit par
- David LESCOT : écrivain, metteur en scène, maître de conférences à l'université de Paris-X-Nanterre
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Autres références
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JOYEUX ODETTE (1915-2000)
- Écrit par Raymond CHIRAT
- 646 mots
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Petite Parisienne, oubliée par son père, couvée par sa mère qu'elle adore, Odette Joyeux fait très tôt connaissance avec les arts du spectacle. Un ami l'oriente vers les cours de danse de l'Opéra. En 1927, une dame-mécène, Jeanne Dubost, reçoit en hommage dix morceaux écrits par les...