- 1. Un prolongement de la révolution industrielle
- 2. L'économie des services informationnels en réseau
- 3. Un jeu concurrentiel risqué mais très rentable
- 4. Tarification discriminante, abonnement forfaitaire et gratuité
- 5. Commerce et intermédiation électronique
- 6. Gestion collective des connaissances
- 7. Références
INTERNET Économie d'Internet
Un jeu concurrentiel risqué mais très rentable
Ces industries, qu'on qualifie désormais de numériques, sont marquées par une logique de concurrence où le « gagnant emporte la mise » (winner takes all). Fondés sur l'innovation, ces marchés sont, au départ, toujours très concurrentiels car des solutions différentes sont proposées. Chacun des offreurs réalise néanmoins qu'un seul d'entre eux survivra sur chacun des marchés possibles (enchères, moteur de recherche, portail, vente d'une gamme de biens, etc.). Il en résulte une concurrence acharnée qui favorise la distribution gratuite des biens et services. Deux raisons poussent les offreurs à adopter de telles stratégies. D'une part, elle est viable. Puisqu'on est dans une économie de coûts fixes, desservir des consommateurs supplémentaires ne coûte rien. D'autre part, c'est une stratégie utile pour augmenter l'attractivité de son offre. Puisqu'il existe des complémentarités entre biens, entre réseaux, entre contenant et contenus, etc., l'adoption par un nouvel utilisateur d'une offre contre une rivale renforce l'attractivité de la première. À court terme, les coûts fixes du service retenu vont être partagés entre un plus grand nombre d'utilisateurs. À long terme, plus de moyens seront dégagés pour développer la technologie sélectionnée ou pour développer l'offre de biens complémentaires. Chaque compétiteur a donc intérêt à favoriser l'adoption de sa solution en la distribuant à un prix très bas, voire gratuitement.
La concurrence en vue d'établir des positions de monopole est donc une des explications de la fréquence des offres gratuites sur Internet. Il est néanmoins indispensable de financer les coûts fixes de développement et de production des services concernés. C'est la raison pour laquelle trois types d'acteurs jouent un rôle clé dans l'économie numérique.
Il s'agit tout d'abord des grands groupes qui utilisent les rentes accumulées sur d'autres marchés ou dans d'autres secteurs (notamment l'informatique, les télécommunications et les médias). Le financement du développement de nouveaux services est cependant une activité extrêmement risquée car les effets cumulatifs en matière d'adoption que l'on vient de décrire et des aléas tels que des phénomènes de mode – on peut penser à l'iPod d'Apple – aboutissent à ce que des différences minimes de qualité puissent avoir des effets déterminants sur l'issue d'un processus concurrentiel dont un seul offreur ressortira vainqueur. L'histoire de l'industrie est jalonnée d'échecs des grands groupes à miser sur la technologie ou le service qui s'est imposée in fine, si bien qu'une partie préfère racheter des entreprises ayant développé des modèles qui ont commencé à être adoptés de manière significative par des groupes d'usagers.
Les rentes engendrées à l'occasion de telles opérations de rachat attirent la deuxième figure de financeurs que sont les acteurs du capital-risque. Ces derniers jouent un rôle déterminant dans l'industrie car, au-delà de leur rôle de financeur, ils rapprochent les innovateurs des partenaires qui, par leurs complémentarités, pourront contribuer positivement au processus d'adoption.
Si la majorité des innovations est finalement absorbée par les grands groupes, les « capital-risqueurs » et les innovateurs cherchent aussi à bénéficier d'effets de levier en se tournant vers les marchés financiers. Permettant de lever des fonds considérables, ils constituent une ressource clé dans les stratégies d'établissement de nouveaux marchés. Puisqu'une partie des affaires financées le sera en pure perte, un jeu complexe se joue entre investisseurs. L'essentiel est d'anticiper, avant les autres, les échecs probables, de[...]
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Écrit par
- Éric BROUSSEAU : professeur à l'université de Paris Dauphine, chercheur à DRM, UMR .N.R.S. 7088, professeur à l'Institut universitaire européen de Florence, Centre Robert Schuman, directeur de la European School for New-Institutional Economics, vice-président de l'International Society for New-Institutional Economics
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