- 1. Un prolongement de la révolution industrielle
- 2. L'économie des services informationnels en réseau
- 3. Un jeu concurrentiel risqué mais très rentable
- 4. Tarification discriminante, abonnement forfaitaire et gratuité
- 5. Commerce et intermédiation électronique
- 6. Gestion collective des connaissances
- 7. Références
INTERNET Économie d'Internet
Tarification discriminante, abonnement forfaitaire et gratuité
Une fois établi, un monopole a intérêt à pratiquer des tarifs « discriminants », consistant à facturer à chaque client le prix maximum qu'il est prêt à payer. En cas de prix uniforme, le monopoleur n'accepterait pas de vendre aux consommateurs dont la capacité à payer est faible car cela diminuerait son profit. Ce n'est plus le cas si un tarif différent peut être proposé à chaque client (ou groupe de clients). Le monopoleur a alors intérêt à vendre à tout client, tant que le coût à le servir (qui tend vers zéro, rappelons-le) est inférieur au prix que le client est prêt à consentir. La satisfaction d'une plus grande partie de la demande se traduit cependant pour une partie des utilisateurs par un prix plus élevé que le tarif unique de monopole. La discrimination tarifaire a donc des effets ambigus : il y a des gagnants (ceux qui ne sont pas prêts à payer cher) et des perdants (ceux qui ont la capacité de payer cher).
Dans le monde numérique, toute transaction génère une trace qui peut être utilisée pour analyser le comportement de chaque utilisateur et adapter la tarification à son profil. Les conditions d'une généralisation de la discrimination tarifaire semblent donc être réunies. Dans le même temps, profilage et tarification individualisée se heurtent à deux limites. Les utilisateurs d'Internet peuvent chercher à y échapper, par exemple en masquant leur identité (en utilisant des pseudonymes ou des identités multiples). De leur côté, les pouvoirs publics peuvent aussi interdire les techniques trop intrusives ou trop attentatoires aux libertés.
Il peut alors s'avérer raisonnable d'adopter une stratégie fondée sur un tamis moins fin, qui distingue des groupes d'utilisateurs plutôt que les individus. La vente de « bouquets » de services est un moyen d'y parvenir, dans la mesure où elle conduit à vendre moins cher les produits quand ils sont regroupés que lorsqu'ils sont vendus à l'unité. On conçoit alors différents bouquets adaptés à différents publics. Par ailleurs, la logique des coûts fixes conduit à privilégier des abonnements illimités plutôt que du paiement à l'usage, plus coûteux à mettre en œuvre.
La discrimination tarifaire exige cependant d'être en mesure d'empêcher la revente entre utilisateurs. Comme les biens informationnels sont marqués par des difficultés d'exclusion et que certaines catégories d'utilisateurs ne sont pas prêts à payer cher pour les acquérir, il peut être rationnel de se concentrer sur la capture de revenus auprès des utilisateurs qui ont la plus forte propension à payer, surtout s'il existe des externalités positives entre utilisateurs. C'est pourquoi certains logiciels sont par exemple gratuits pour les ménages, alors qu'ils peuvent être payants pour les entreprises. L'offreur concentre son effort d'extraction de revenus sur la seule population des professionnels, tandis que les exemplaires gratuits utilisés par le grand public renforcent l'attrait du produit qui devient le « standard » du marché (et permet, par exemple, aux employeurs de ne pas avoir à financer des formations spécifiques pour que leurs employés sachent utiliser le logiciel en question).
L'autre modèle exploitant les externalités est celui dérivé de la presse, dans lequel l'audience engendrée par un service est revendue à des annonceurs. Dans le monde numérique, ce modèle des revenus dérivés a tendance à être enrichi, car ce qui peut être « revendu » à un tiers n'est pas simplement l'attention des utilisateurs (à la publicité), mais aussi leurs données personnelles (qui peuvent être valorisées tant pour cibler la publicité que pour profiler des clients potentiels ou concevoir des produits adaptés).
La gratuité[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Éric BROUSSEAU : professeur à l'université de Paris Dauphine, chercheur à DRM, UMR .N.R.S. 7088, professeur à l'Institut universitaire européen de Florence, Centre Robert Schuman, directeur de la European School for New-Institutional Economics, vice-président de l'International Society for New-Institutional Economics
Classification
Autres références
-
APPRENTISSAGE ET INTERNET
- Écrit par Franck AMADIEU et André TRICOT
- 1 204 mots
Grâce au Web (World Wide Web), Internet permet à des milliards d’humains d’accéder à des milliards de documents. Ceux-ci contiennent des images, des textes, des vidéos, des sons… sur à peu près tous les sujets. Ils peuvent répondre à des besoins divers : se renseigner ponctuellement sur un horaire...
-
DÉVELOPPEMENT DU RÉSEAU INTERNET
- Écrit par Pierre MOUNIER-KUHN
- 284 mots
Au cours des années 1960, l'Advanced Research Projects Agency (A.R.P.A.), l'agence de recherche du ministère américain de la Défense, avait piloté et financé le développement d'un réseau de communications, Arpanet, reliant les ordinateurs des divers laboratoires universitaires...
-
INTERNET À HAUT DÉBIT
- Écrit par Gabriel GACHELIN
- 243 mots
Concernant les technologies, l'année 2004 fut en France celle de la généralisation d'Internet à haut débit, appelé DSL (pour digital subscriber line, « ligne numérique d'abonné », ADSL pour asymmetric digital subscriber line). En quelques mois, en effet, les opérateurs de...
-
INTERNET DES OBJETS
- Écrit par Frédéric KAPLAN
- 2 440 mots
- 1 média
L'Internet des objets (Internet of things) désigne l'extension de l'infrastructure de l'Internet aux objets autres que les ordinateurs et smartphones. Dotés de capteurs, de systèmes de stockage, de modules de traitement et de capacités de communication, ces dispositifs relèvent...
-
MÉDECINE ET INTERNET
- Écrit par Philippe MARREL , Elisabeth PARIZEL et René WALLSTEIN
- 5 396 mots
- 3 médias
D’après une étude parue à la fin de 2014, plus de 60 p. 100 des Français utilisent Internet pour rechercher de l’information sur la santé. La consultation médicale à distance, autorisée en France depuis 2010, a de plus en plus de succès. Au niveau mondial, près de 4 millions de patients y...
-
4G, télécommunications
- Écrit par René WALLSTEIN
- 1 573 mots
...des années 2000, la nature des communications mobiles a évolué : les abonnés utilisent certes leur terminal pour téléphoner, mais de plus en plus aussi pour accéder aux services d’Internet (courriel, réseaux sociaux, musique en ligne, etc.). Les fournisseurs de réseaux ont alors été confrontés à la perspective... -
AI WEIWEI (1957- )
- Écrit par John M. CUNNINGHAM
- 1 095 mots
- 1 média
En 2005, Ai Weiwei est invité à rédiger un blog pour le portail Internet chinois Sina. Bien qu'il utilise dans un premier temps cet outil comme une vitrine de sa vie mondaine, il s'en sert bientôt comme une tribune pour exposer ses critiques souvent radicales du régime chinois. Conçu entièrement par... -
NUMÉRIQUE, anthropologie
- Écrit par Julien BONHOMME
- 1 440 mots
Alors que les micro-ordinateurs remontent aux années 1970 et l’essor d’Internet aux années 1990, c’est au cours de la décennie suivante que l’anthropologie du numérique acquiert sa légitimité au sein de la discipline. Contrairement aux essais sur la « révolution numérique » qui spéculent sur la rupture...
-
ARABIE SAOUDITE
- Écrit par Philippe DROZ-VINCENT , Encyclopædia Universalis et Ghassan SALAMÉ
- 25 169 mots
- 10 médias
Un débat de fond dans la société saoudienne est relancé dans les années 2000, en particulier avec l'accès des jeunes générations à des moyens de communication et technologiques nouveaux (Internet, blogs, réseaux sociaux) : les thèmes abordés concernent le poids de la religion et en particulier... - Afficher les 83 références