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INTERNET Économie d'Internet

Tarification discriminante, abonnement forfaitaire et gratuité

Une fois établi, un monopole a intérêt à pratiquer des tarifs « discriminants », consistant à facturer à chaque client le prix maximum qu'il est prêt à payer. En cas de prix uniforme, le monopoleur n'accepterait pas de vendre aux consommateurs dont la capacité à payer est faible car cela diminuerait son profit. Ce n'est plus le cas si un tarif différent peut être proposé à chaque client (ou groupe de clients). Le monopoleur a alors intérêt à vendre à tout client, tant que le coût à le servir (qui tend vers zéro, rappelons-le) est inférieur au prix que le client est prêt à consentir. La satisfaction d'une plus grande partie de la demande se traduit cependant pour une partie des utilisateurs par un prix plus élevé que le tarif unique de monopole. La discrimination tarifaire a donc des effets ambigus : il y a des gagnants (ceux qui ne sont pas prêts à payer cher) et des perdants (ceux qui ont la capacité de payer cher).

Dans le monde numérique, toute transaction génère une trace qui peut être utilisée pour analyser le comportement de chaque utilisateur et adapter la tarification à son profil. Les conditions d'une généralisation de la discrimination tarifaire semblent donc être réunies. Dans le même temps, profilage et tarification individualisée se heurtent à deux limites. Les utilisateurs d'Internet peuvent chercher à y échapper, par exemple en masquant leur identité (en utilisant des pseudonymes ou des identités multiples). De leur côté, les pouvoirs publics peuvent aussi interdire les techniques trop intrusives ou trop attentatoires aux libertés.

Il peut alors s'avérer raisonnable d'adopter une stratégie fondée sur un tamis moins fin, qui distingue des groupes d'utilisateurs plutôt que les individus. La vente de « bouquets » de services est un moyen d'y parvenir, dans la mesure où elle conduit à vendre moins cher les produits quand ils sont regroupés que lorsqu'ils sont vendus à l'unité. On conçoit alors différents bouquets adaptés à différents publics. Par ailleurs, la logique des coûts fixes conduit à privilégier des abonnements illimités plutôt que du paiement à l'usage, plus coûteux à mettre en œuvre.

La discrimination tarifaire exige cependant d'être en mesure d'empêcher la revente entre utilisateurs. Comme les biens informationnels sont marqués par des difficultés d'exclusion et que certaines catégories d'utilisateurs ne sont pas prêts à payer cher pour les acquérir, il peut être rationnel de se concentrer sur la capture de revenus auprès des utilisateurs qui ont la plus forte propension à payer, surtout s'il existe des externalités positives entre utilisateurs. C'est pourquoi certains logiciels sont par exemple gratuits pour les ménages, alors qu'ils peuvent être payants pour les entreprises. L'offreur concentre son effort d'extraction de revenus sur la seule population des professionnels, tandis que les exemplaires gratuits utilisés par le grand public renforcent l'attrait du produit qui devient le « standard » du marché (et permet, par exemple, aux employeurs de ne pas avoir à financer des formations spécifiques pour que leurs employés sachent utiliser le logiciel en question).

L'autre modèle exploitant les externalités est celui dérivé de la presse, dans lequel l'audience engendrée par un service est revendue à des annonceurs. Dans le monde numérique, ce modèle des revenus dérivés a tendance à être enrichi, car ce qui peut être « revendu » à un tiers n'est pas simplement l'attention des utilisateurs (à la publicité), mais aussi leurs données personnelles (qui peuvent être valorisées tant pour cibler la publicité que pour profiler des clients potentiels ou concevoir des produits adaptés).

La gratuité[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris Dauphine, chercheur à DRM, UMR .N.R.S. 7088, professeur à l'Institut universitaire européen de Florence, Centre Robert Schuman, directeur de la European School for New-Institutional Economics, vice-président de l'International Society for New-Institutional Economics

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