INTERNET Économie d'Internet

Commerce et intermédiation électronique

Au stade initial de son développement, de nombreux observateurs prévoyaient qu'Internet allait devenir le siège d'une relation directe entre les producteurs de biens et services et leurs clients, leur permettant de se passer des intermédiaires que sont les entreprises du commerce. Les « promesses » du commerce électronique en matière de gains de productivité tenaient à la combinaison de la dématérialisation et de la désintermédiation. En réalité, les principaux gains du commerce électronique (qu'il porte sur des services, des biens informationnels, ou des biens physiques) ont été liés aux nouvelles formes d'intermédiation qui ont pu émerger.

La raison pour laquelle les intermédiaires n'ont pas disparu, en dépit de la possibilité d'une communication directe entre producteurs et consommateurs, tient à ce que les intermédiaires sont utiles à la réalisation efficace des échanges marchands. La réalisation d'une transaction commerciale exige en pratique toute une série d'opérations : mise en relation et négociation entre offreur et demandeur, garantie que la qualité promise et le paiement attendus soient réalisés, acheminement des biens ou prestation effective du service, etc. Les intermédiaires commerciaux possèdent des compétences et des actifs et qui leur permettent de réaliser ces opérations de manière plus efficace que ne le feraient les parties impliquées dans les échanges. Par ailleurs, en jouant sur plusieurs catégories d'interlocuteurs et de biens, ils peuvent réaliser des subventions entre différentes transactions ou différents partenaires, de manière à s'assurer qu'en toutes circonstances les clients trouvent les biens dont ils ont besoin et les producteurs écoulent leur production. Les intermédiaires commerciaux permettent donc d'abaisser les coûts de transaction pour le bénéfice des offreurs (producteurs) et des demandeurs (consommateurs).

Dans les situations qualifiées de marchés à deux faces (twosidedmarkets), ceux qui se situent d'un côté du marché sont prêts à payer plus cher que ceux qui se situent de l'autre côté pour rencontrer ces derniers. Les intermédiaires permettent alors aux premiers de subventionner la participation de ceux qui se situent de l'autre côté du marché. Cela augmente le nombre de participants au marché pour le plus grand bénéfice de toutes les parties prenantes. Les fournisseurs de systèmes de paiement en ligne correspondent à ce modèle. Clients et marchands souhaitent bénéficier de systèmes de paiement sécurisé. Les particuliers, cependant, ne sont en général pas disposés à payer cher pour bénéficier de moyens de paiement (notamment parce que l'État leur fournit des espèces gratuitement). C'est donc souvent les marchands, désireux de disposer de moyens de paiement plus commodes ou plus sûrs, qui financent l'essentiel du développement de systèmes de paiements sécurisés comme les systèmes de paiement en ligne (gratuits, en général, pour les particuliers). De la même façon, certains services de rencontre sont payants pour les hommes, mais gratuits pour les femmes. Dans ces deux exemples, les intermédiaires proposent une plate-forme qui attire les « subventionnés » (en l'occurrence les détenteurs de moyens de paiement ou les femmes), ce qui, réciproquement, incite les non-subventionnés (respectivement, les marchands ou les hommes) à recourir à la plate-forme commune. Plus la proportion d'utilisateurs effectifs par rapport aux utilisateurs potentiels est grande, plus le moyen de paiement proposé est universel (ce qui abaisse les coûts de transaction) ou plus les chances de rencontrer l'âme sœur sont grandes.

La révolution numérique a facilité le développement de prestataires d'intermédiation, qu'il s'agisse de marchands en ligne – comme[...]

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Écrit par

Éric BROUSSEAU : professeur à l'université de Paris Dauphine, chercheur à DRM, UMR .N.R.S. 7088, professeur à l'Institut universitaire européen de Florence, Centre Robert Schuman, directeur de la European School for New-Institutional Economics, vice-président de l'International Society for New-Institutional Economics

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