- 1. Un prolongement de la révolution industrielle
- 2. L'économie des services informationnels en réseau
- 3. Un jeu concurrentiel risqué mais très rentable
- 4. Tarification discriminante, abonnement forfaitaire et gratuité
- 5. Commerce et intermédiation électronique
- 6. Gestion collective des connaissances
- 7. Références
INTERNET Économie d'Internet
Gestion collective des connaissances
Les technologies de l'information en réseau favorisent également la gestion collective des connaissances et des compétences. Premièrement, la richesse des modes de communication mixant son, images et données permet d'échanger et de partager des connaissances selon des modalités adaptées à la diversité de ces dernières et à la spécificité de chaque situation. La mise en ligne de bases de données ou de systèmes experts, la mise en œuvre de téléréunions ou de systèmes de travail coopératif (plus généralement, de télétravail), la télémanipulation, etc., sont autant de moyens de partager et de véhiculer des ressources cognitives à une large échelle. Deuxièmement, le logiciel est un facteur de codification des connaissances qui, d'une part, deviennent objectivées et lisibles, d'autre part, sont rendues directement opératoires sous forme de solutions « clés en main ». Lorsque j'utilise un logiciel, je bénéficie de l'expertise qu'il renferme.
Au-delà de cette capacité à diffuser les connaissances, les technologies numériques en réseau favorisent la production des connaissances du fait des capacités d'auto-organisation qu'elles donnent aux innovateurs. De manière générale, la création de connaissances est confrontée à un dilemme. D'un côté, il convient d'inciter les inventeurs potentiels à faire des efforts, ce qui suppose le plus souvent de leur concéder des droits exclusifs d'usage sur leurs découvertes. De l'autre, une fois une nouvelle connaissance créée, sa nature de bien collectif pousse à ce qu'elle soit accessible au plus grand nombre, d'autant plus que cela maximise les chances que les connaissances nouvelles servent de socle à des innovations (spill-overs). Traditionnellement, on a le choix entre un système qui donne beaucoup d'incitations à innover, mais au prix d'une faible diffusion – c'est la logique du droit de la propriété intellectuelle, qui pousse les inventeurs à ne donner accès à leurs connaissances qu'à un prix élevé –, et un système construit selon la logique inverse – c'est la science financée sur fonds publics, librement accessible mais qui rémunère peu l'inventeur. Le numérique est à l'origine de pratiques innovantes consistant pour l'essentiel à différencier des droits d'accès et d'usage sur les connaissances en fonction de l'intensité des relations coopératives entre inventeurs. On conçoit alors l'innovation comme une œuvre commune. Ceux qui y contribuent bénéficient gratuitement et immédiatement des innovations des autres. Ceux qui y contribuent moins en bénéficient plus tard et le cas échéant moyennant une redevance. De tels mécanismes, fondés sur la gestion de droits d'accès à différents espaces ou ressources informationnelles, permettent de donner des incitations à produire, tout en favorisant la diffusion la plus large possible.
Ainsi sont apparues de multiples plate-formes d'innovation collective, souvent qualifiées de « communautés en ligne ». Elles correspondent à la figure de la plate-forme dans la mesure où elles sont conçues et gérées par de petits groupes d'individus, qui s'appuient sur les technologies pour coordonner des groupes plus vastes. Les participants à ces dispositifs ne coopèrent pas au travers d'ajustements mutuels entre individus. Un artefact technique leur ouvre des droits (de lecture, d'écriture, de décision), constitue un dispositif de partage de l'information, et gère des systèmes plus ou moins sophistiqués d'incitations (fondées notamment sur la réputation). Ces plate-formes sont attractives parce qu'elles permettent d'accéder à des ressources directement utilisables – comme des logiciels, des biens informationnels, etc. – ou fournissent des ressources valorisables[...]
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Écrit par
- Éric BROUSSEAU : professeur à l'université de Paris Dauphine, chercheur à DRM, UMR .N.R.S. 7088, professeur à l'Institut universitaire européen de Florence, Centre Robert Schuman, directeur de la European School for New-Institutional Economics, vice-président de l'International Society for New-Institutional Economics
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