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INTERPRÉTATION MUSICALE

Contrairement à la plupart des autres arts, la musique n'autorise pas un contact direct entre le créateur et son public. La lecture d'un poème, l'observation d'une toile ou d'un buste permettent à l'amateur de poésie, de peinture ou de sculpture d'apprécier sans intermédiaire le message du créateur. En musique – comme d'ailleurs dans le domaine dramatique (théâtre, cinéma) –, il en va autrement. La simple lecture d'une partition offre un pâle reflet de sa réalité, et bien peu nombreux sont ceux qui peuvent se plier à un tel exercice. L'intervention d'un médiateur, l'interprète, qui permet de passer du signe au son, est indispensable. Cet individu – ou ces individus – se présente comme un traducteur de la chose écrite, celui qui la fait vivre. À première vue, la musique serait donc un art défavorisé, le créateur et l'auditeur dépendant d'une tierce personne qui peut être une entrave à la transmission artistique, ne serait-ce que par son absence. Cependant, la musique est peut-être plus riche que les autres arts, car la création revêt, grâce à l'interprète, quantité de visage différents qui profitent autant au compositeur qu'à l'auditeur : écoutée dans plusieurs interprétations, ou exécutée par les mêmes artistes dans des circonstances différentes, la même œuvre acquiert une richesse qui la rend rarement identique à elle-même. Cette phase supplémentaire, ce trait d'union qu'est l'interprète, sont donc essentiels.

Les moyens de l'interprétation

L'ensemble des signes de la notation musicale permet au compositeur de transcrire, avec plus ou moins d'exactitude, ses intentions. Lorsqu'il lit la partition, l'interprète doit faire la part des indications objectives (les notes) et des indications subjectives (les nuances et les mouvements). À mi-chemin se situe le rythme, qui semblerait a priori noté de façon exacte mais qui s'avère sujet, dans la pratique, à bien des fluctuations. Nul n'aurait aujourd'hui l'idée de changer les notes d'une mélodie ou d'un accord, dès lors qu'elles sont écrites. Pourtant, l'histoire de l'interprétation offre plus d'un exemple en la matière, mais l'interprète actuel, peut-être plus scrupuleux que ses prédécesseurs, ne prend ici aucune liberté. En revanche, les nuances lui offrent un champ de fluctuations presque illimité. Les compositeurs utilisent deux sortes d'indications : les unes, dynamiques, peuvent être générales (piano, fortissimo...), ou spécifiques (accents) ; les autres concernent le mouvement (lent, vif...) et sont souvent plus précises, car elles se réfèrent au métronome. Mais, dans les deux cas, l'interprète dispose d'une marge, car chaque nuance, chaque mouvement s'inscrivent dans un contexte, celui de la conception générale de l'œuvre. L'art de l'interprète réside dans la qualité de sa traduction, dans la différenciation de sa palette sonore, dans la façon dont il fait vivre les mélodies, dont il met en valeur tel ou tel aspect de la partition. Un récit uniforme constitue une lecture, et non une interprétation. Les phrases sont donc soumises à de légères fluctuations rythmiques et, selon le contexte musical, deux rythmes identiques ne seront pas restitués de la même façon. La précision immuable du premier mouvement de la Septième Symphonie de Beethoven ne peut se comparer au rythme gracieux de la « Sicilienne » de Pelléas et Mélisande de Fauré. Pourtant, il s'agit bien de la même figure rythmique :

et les musiciens savent que, pour en traduire exactement l'effet, il faut écourter la double croche au profit de la croche pointée. La notation, en effet, a elle aussi ses limites. À l'interprète d'enrichir par son intervention la démarche musicale.[...]

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Paganini - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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Ignacy Jan Paderewski - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Ignacy Jan Paderewski

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Eugène Ysaÿe

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