INTERPRÉTATION MUSICALE
Histoire de l'interprétation
Des origines au XIXe siècle
Durant plusieurs siècles, compositeur et interprète ne font qu'un. La musique n'est pas encore notée et l'acte créateur appartient au compositeur lui-même. L'époque polyphonique donne un rôle limité à l'interprète, qui choisit seulement les moyens d'exécution (voix ou instruments) : la musique est en effet notée in abstracto, sans précision instrumentale particulière, pratique qui subsistera jusqu'au xviiie siècle (époque à laquelle des compositeurs comme Haendel écriront des sonates pour flûteouviolonouhautbois et basse continue). Cependant, ce choix est une des rares prérogatives accordées à l'interprète médiéval : les règles de la notation étant extrêmement strictes, son rôle est restreint à celui d'un exécutant servile.
Au xvie siècle, plusieurs notions nouvelles contribuent à donner une importance accrue à l'interprète : simplification des règles de la notation, recherche d'une expression qui dépasse ce qui est écrit, apparition de parties solistes qui s'opposent à la masse.
Dès le début du xviie siècle, l'interprète jouit d'un pouvoir extrêmement étendu, au nom duquel il prend avec le texte des libertés difficiles à apprécier aujourd'hui. La musicologie cherche à reconstituer les usages de l'époque baroque pour restituer des interprétations aussi fidèles que possible, car la musique n'était certainement pas exécutée comme elle est écrite (cf. infra, Interprétation de la musique ancienne). La notation des xviie et xviiie siècles laisse une grande part de liberté à l'interprète, qui doit souvent réaliser la basse continue d'après le chiffrage indiqué et ornementer en fonction des signes notés mais aussi en tenant compte des usages en vigueur et de son goût personnel. À cela s'ajoutent les cadences destinées à mettre en valeur la virtuosité de l'exécutant : certaines sont prévues par le compositeur, d'autres sont des occasions saisies par l'interprète. Haendel donnait d'ailleurs l'exemple de cette pratique dans ses concertos pour orgue, où il improvisait largement au cours de l'exécution. De même, les mouvements lents des concertos pour piano de Mozart donnaient lieu à une ornementation improvisée pour compenser une sonorité que l'instrument ne pouvait soutenir durablement. Jean-Philippe Rameau donnait toute liberté à ses interprètes en les autorisant à supprimer les doubles ou variations qu'ils jugeaient trop difficiles. Mais, pour lutter contre certains abus, François Couperin, pour sa part, exigeait qu'on se limitât au texte exact qu'il avait composé. Cela permet d'affirmer, notamment en matière d'ornementation, que les signes notés n'étaient qu'une base de départ autorisant l'interprète à exprimer toute sa personnalité.
La seconde moitié du xviiie siècle met fin à cette apogée de l'interprète. Les compositeurs affirment leur volonté par une notation plus précise, et l'exécutant doit trouver une autre voie pour manifester sa personnalité : l'expression prend alors une place plus importante dans la musique. Mais les compositeurs utilisent aussi une instrumentation plus riche, qui diversifie la palette sonore qu'utilisera l'interprète. L'apparition du métronome, breveté par Johann Nepomuk Maelzel en 1815, permet au compositeur de préciser sa pensée dans le domaine des mouvements. La masse des indications figurant sur les partitions s'accroît et l'alternative instrumentale, encore pratiquée – ou tolérée – au siècle précédent, disparaît totalement. Il se produit en outre une uniformisation de la facture instrumentale qui renforce les exigences du compositeur à l'égard de ses interprètes.
Le romantisme
Les chemins[...]
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
- Jacqueline PILON : musicologue
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