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INTERPRÉTATION (notions de base)

Du signal au signe

Les éthologues se sont donné pour objectif de décrire le plus fidèlement possible l’univers de signaux dans lequel vivent les animaux. Ils ont pu ainsi construire de véritables répertoires permettant de comprendre comment l’interprétation d’un signal émis par un congénère déclenche chez celui qui le reçoit une activité motrice. L’un des tout premiers répertoires décryptés par les éthologues fut la « danse des abeilles » que Karl von Frisch (1886-1982) parvint à décoder. Les abeilles éclaireuses effectuent une danse devant la ruche que les abeilles butineuses savent décoder : la forme de la danse (circulaire ou en forme de huit) et la vitesse d’exécution de celle-ci signalent aux butineuses l’endroit exact où se situe le pollen qu’elles doivent aller recueillir et ramener à la ruche. Il s’agit bien là d’un code arbitraire comme tout langage en comporte, dans la mesure où aucun lien logique ne relie le signal au message. Et il s’agit d’un système de signaux, puisque toutes les abeilles décodent de la même façon une même danse, et qu’elles répondent par une action, et non par un autre message, au signal émis. Si l’on observait une abeille butineuse effectuer en réponse à l’abeille éclaireuse une danse dont le sens serait « répète, je n’ai pas bien compris », on pourrait réellement parler d’un langage des abeilles. Mais nous n’avons ici affaire qu’à un code.

Dans l’état actuel de nos connaissances, il semble bien que seuls les humains disposent d’un ensemble de signes susceptibles de faire langage. Eux seuls répondent par des signes aux signes qu’ils reçoivent. On pourrait nous objecter que certains animaux peuvent échanger des cris signalant en particulier l’approche d’un danger. Mais il s’agit là d’une simple amplification du premier message, et non d’un véritable échange de signes. L’autre caractéristique, la plus importante, d’un système de signes, est que le message émis n’est jamais univoque : pour le comprendre, il ne suffit pas de le décoder : il faut le situer dans son contexte, être attentif à sa dimension émotionnelle, mesurer l’influence que l’émetteur cherche à avoir sur le récepteur du message, etc. Quand on a affaire à des signes, et non plus à de simples signaux, un énoncé qui peut paraître clair peut se révéler équivoque si le contexte n’est pas précisé. Pour prendre un exemple simple, « il est midi » peut vouloir dire dans un aéroport « il est l’heure de procéder aux formalités d’embarquement », ou bien, si la formule est prononcée à la maison, « il est l’heure de passer à table », ou encore « il faut rendre vos copies » si l’on entend la phrase dans une salle d’examen.

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Écrit par

  • : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires

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