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INTRODUCTION À L'ŒUVRE SUR LE KAVI, Wilhelm von Humboldt Fiche de lecture

Wilhelm von Humboldt - crédits : Bildagentur-online/ Universal Images Group/ Getty Images

Wilhelm von Humboldt

Wilhelm von Humboldt (1767-1835) est né dans une famille de la noblesse prussienne, au moment charnière de la transition entre le rationalisme classique (il est un lecteur assidu de Kant) et l'apparition du romantisme. Élève du philologue F. A. Wolf, proche de Schiller, il s'intéresse à de nombreux sujets, notamment à l'anthropologie, avant de participer à la renaissance de la Prusse contre l'invasion napoléonienne. Il fonde à Berlin une université et accepte plusieurs missions diplomatiques. Les dernières années de sa vie sont consacrées à l'étude des langues.

Les recherches linguistiques de Humboldt se partagent entre l'héritage des Lumières quand il soutient une vision unitaire de la langue (chaque langue représenterait une adaptation différenciée, selon l'époque et le lieu, d'une pensée constante dans ses principes et son fonctionnement), et les conceptions du Sturm und Drang quand il soutient qu'il existe un « caractère national » des langues.

« Une activité en train de se faire »

Il est paradoxal que ce soit dans un livre inachevé, consacré au kavi, la langue littéraire ancienne de l'Indonésie – et notamment dans le fragment intitulé Sur la différence de construction du langage dans l'humanité et l'influence qu'elle exerce sur le développement de l'espèce humaine –, que Humboldt fasse l'exposé le plus tranché de la première de ces conceptions, illustrant une opposition à laquelle son nom reste attachée, la différence entre la langue comme « ouvrage fait » et la langue comme « activité » : « En elle-même, la langue est non pas un ouvrage fait (Ergon), mais une activité en train de se faire (Energeia). Aussi sa vraie définition ne peut-elle être que génétique. Il faut y voir la réitération éternellement recommencée du travail qu'accomplit l'esprit afin de ployer le son articulé à l'expression de la pensée. En toute rigueur, une telle définition ne concerne que l'acte singulier de la parole actuellement proférée ; mais, au sens fort et plein du terme, la langue n'est, tout bien considéré, que la projection totalisante de cette parole en acte. Car, dans le chaos parcellaire de termes et de règles que nous baptisons couramment du nom de langue, nous n'avons affaire qu'à l'élément proféré par l'acte parlant et qui n'est réalisé que de façon incomplète, puisqu'il est besoin d'un nouveau travail pour y déceler la spécificité de la parole vivante et pour donner une image véritable de la vie de la langue. En disjoignant ainsi les éléments, on s'interdit précisément de reconnaître les valeurs les plus significatives, qui ne peuvent être perçues ou pressenties (ce qui prouverait, s'il en était besoin, que la langue proprement dite réside dans l'acte qui la profère et l'effectue) ailleurs que dans les enchaînements du discours. Tels sont les principes qui doivent présider à la recherche, si l'on veut appréhender l'essentialité vivante de la langue. Le découpage abstrait en mots et en règles n'est que bricolage sans vie, caricature de l'analyse scientifique. »

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