INTRODUCTION AUX PRINCIPES DE LA MORALE ET DE LA LÉGISLATION, Jeremy Bentham Fiche de lecture
Destin de l'utilité benthamienne
Si, pour sa version optimiste du bonheur, l'Introduction ne pouvait qu'outrer les sensibilités romantiques et catholiques, c'est surtout la notion équivoque d'utilité, recouvrant à la fois des acceptions normatives et descriptives, qui fut controversée. Souvent interprété à tort comme une apologie de l'égoïsme ou un programme d'éthique individuelle calée, de façon réductrice, sur une mécanique rudimentaire des sentiments, l'ouvrage, qui tend davantage à fournir des bases morales positives à la pratique législative, doit sa difficulté essentielle à son analyse du rapport individu-société. La définition cardinale de l'utilité et la conception additive des actions individuelles tournées vers le plaisir entraînent l'ensemble vers un atomisme social faute de tenir compte des effets distributifs.
Complexifié par l'optique altruiste et qualitative de Mill dont « l'utilitarisme indirect » sera revisité de façon critique par H. Sidgwick et G. E. Moore, ce problème, que repérera parfaitement Schumpeter et corrigera Pareto, incitera le courant utilitariste, très influent intellectuellement et politiquement dans l'Angleterre victorienne, à s'orienter au xxe siècle vers de nouvelles directions de recherche : l'utilitarisme des préférences, l'utilitarisme de la règle et l'utilitarisme « prudentiel ». Ainsi sera exaucé, au terme de profonds remaniements et fortes oppositions, le rêve de Bentham « d'être le fondateur d'une secte [...] qui s'appellerait la secte des utilitaristes ».
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Écrit par
- Éric LETONTURIER : docteur en sociologie, D.E.A. de philosophie, maître de conférences à l'université de Paris V-Sorbonne
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Média