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INVARIANT, mathématique

À l'origine, la notion d'invariant est relative à un changement de repère en géométrie. L'un des premiers exemples concerne les coniques, c'est-à-dire les courbes, dans le plan, données par une équation du second degré ax2 + 2bxy + cy2 + 2ux + 2vy + w = 0. Comment reconnaître sur leurs coefficients a, b, c, u, v, w et a', b', c', u', v', w' si deux telles équations représentent la même conique dans deux repères orthonormés ? Il revient d'ailleurs au même que les deux coniques définies, dans un même repère, par ces deux équations se déduisent l'une de l'autre par une transformation isométrique. On introduit les fonctions suivantes des coefficients, appelées invariants fondamentaux : w(acb2) – v(vaub) + (vbuc) ; acb2 ; a + c. Ces fonctions prennent la même valeur pour deux équations déduites l'une de l'autre par une isométrie : on dit qu'elles sont invariantes par le groupe des isométries du plan. De plus, si on exclut le cas d'une conique dégénérée en deux droites parallèles, deux coniques qui ont les mêmes invariants fondamentaux sont isométriques.

On trouve là un exemple de la notion abstraite très générale d'invariance par une application f d'un ensemble E dans lui-même : on dit qu'une partie X de E est invariante par f lorsque f(X) est inclus dans X. Si f(x) = x on dit que x est un point fixe de f. La façon dont l'exemple entre dans ce cadre est un peu cachée : il faut prendre pour E, non pas l'ensemble des équations de coniques, mais l'ensemble des fonctions de leurs coefficients. Soit G un sous-groupe du groupe des permutations de E (bijections de E sur lui-même) ; la loi de groupe est bien entendu la composition des applications. Les éléments de G qui laissent X invariante forment un sous-groupe de G, parfois appelé groupe des symétries de X, par extension de la notion de symétrie en géométrie euclidienne usuelle. Par exemple, un triangle quelconque n'est invariant par aucune isométrie du plan euclidien autre que l'application identique, alors que le groupe des isométries qui laissent invariant un triangle équilatéral comporte six éléments : les trois symétries par rapport aux médiatrices des côtés, les rotations d'angle 2π /3 et 4π /3 autour du centre du triangle, et, comme toujours, l'application identique.

Bien des propriétés d'objets mathématiques résultent de leur invariance sous un groupe particulier de transformations. Citons deux exemples historiques importants, le groupe de Galois d'un polynôme et le lien entre les symétries d'un système mécanique et les quantités conservées au cours du temps.

Dans son célèbre mémoire de 1830, Évariste Galois associe à tout polynôme P(x) à coefficients entiers un groupe de permutations de ses racines (complexes) et montre que l'équation P(x) = 0 est résoluble par radicaux si et seulement si son groupe de Galois a une structure particulière qui le fait qualifier de groupe « résoluble ». Pour la plupart des équations du cinquième degré, le groupe de Galois est isomorphe au groupe des permutations de l'ensemble {1, 2, 3, 4, 5} qui n'est pas résoluble.

Après ses premiers travaux sur la théorie classique des invariants, Emmy Noether est appelée à Göttingen pour collaborer avec Klein, Hilbert et Einstein. En cherchant à mieux comprendre les propriétés d'invariance des équations d'Einstein, elle établit, en 1918, le lien entre les lois de conservation d'un système mécanique lagrangien et les symétries de son intégrale d'action dans un cadre très général qui contient aussi bien la mécanique classique (où l'espace des états possibles est de dimension finie) que le formalisme de la relativité générale (où les états possibles sont des champs qui forment un espace de dimension infinie).[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités, professeur associée à l'École polytechnique, centre de mathématiques Laurent Schwartz

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