INVASIONS BIOLOGIQUES
Fondements et incidences
Toute invasion suppose qu'une population abandonne son biotope ancestral pour un autre, même si la propension générale des espèces est de demeurer sans changement – l'évolution est conservatrice. Mais la chaîne alimentaire représente un système dont l'équilibre fluctue au gré des modifications du statut de ses composants, c'est-à-dire les espèces. Une espèce est ainsi tributaire de ses relations avec les mondes abiotique (climat, caractéristiques physiques de l'écosystème) et biotique (ennemis, compétiteurs, ressources) qui l'entourent. Elle dépend aussi de sa propre dynamique de population (laquelle est liée aux facteurs précédents). Que survienne une pression significative au niveau de ces relations, et l'espèce pourra choisir de migrer pour y échapper. Et, bien sûr, il faut aussi, et surtout, compter avec l'opportunité offerte par l'artificialisation de la migration, celle qui est due aux activités humaines (cf. encadré La part de l'homme).
Une nouvelle niche écologique
Le processus de l'invasion peut être divisé en trois étapes : la migration, l'installation et l'intégration. La première suppose une capacité de dispersion, passive chez les plantes et généralement active chez les animaux (déplacement). La deuxième consiste, pour l'espèce envahissante, à se reproduire, avec ou sans apports supplémentaires de population à la faveur d'autres vagues d'invasion. La troisième se traduit, quant à elle, par l'établissement d'interactions entre les espèces invasives et autochtones, avec d'éventuelles modifications de caractères chez les unes comme chez les autres. De ces trois phases, l'installation est la plus décisive car elle met en jeu la capacité des populations natives à résister à l'invasion.
L'implantation des espèces invasives est subordonnée à l'acquisition d'une nouvelle niche écologique qui définit le rôle et la place d'un organisme au sein d'un écosystème. Les relations d'un organisme avec son environnement sont concrétisées par l'occupation d'un espace, la consommation de ressources et la coexistence avec des ennemis naturels et des compétiteurs. Elles correspondent aux conditions nécessaires à la survie d'un organisme, une notion qui s'évalue à la lumière du taux d'accroissement démographique de celui-ci. L'occupation d'une niche écologique par une espèce invasive signifie alors qu'elle a pu satisfaire à ces conditions.
À niveau de ressources égal, une population allochtone sera favorisée si ses capacités d'acquisition de la ressource sont supérieures à celles de la population autochtone (quête alimentaire plus efficiente) et si l'ensemble de son « passif biologique » (pertes du métabolisme, décès d'individus), considéré dans l'optique du taux d'accroissement démographique, est inférieur.
Toutes les espèces doivent affronter des ennemis – agents pathogènes, parasites, prédateurs. La pression de ces derniers est souvent largement diminuée pour les populations invasives. En effet, celles-ci, d'une part, laissent souvent leurs ennemis derrière elles (il a été suggéré que le cycle vital d'un ennemi diffère trop sensiblement de celui de sa cible pour qu'il accompagne celle-ci dans sa migration) et, d'autre part, ne subissent que faiblement l'impact des nouveaux ennemis autochtones qui, eux, n'ont pas co-évolué avec elles. Cette baisse de pression donne un réel avantage à l'espèce envahissante car elle réduit sa sensibilité aux pathologies et aux mortalités, améliorant ainsi son aptitude compétitive pour obtenir des ressources alimentaires, et renforçant finalement sa stratégie démographique.
La disponibilité des niches écologiques varie également[...]
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Écrit par
- Alain ZECCHINI : journaliste scientifique, expert de l'Union mondiale pour la nature
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