INVASIONS BIOLOGIQUES
Bilan et perspectives
L'un des premiers exemples de lutte contre les invasions biologiques est sans doute celui d'une espèce de cochenille (originaire du Brésil) introduite en Inde en 1836 pour contrôler une espèce de figuier de Barbarie. Depuis, les programmes se sont multipliés et diversifiés, bien que la sensibilisation générale à ce problème, au niveau international, ne remonte qu'aux années 1980. En France, l'élimination des surmulots (Rattus norvegicus) de l'île bretonne de Rouzic a été mise en œuvre au début des années 1950 ; de 1992 à 2002, treize opérations semblables concernant des mammifères ont été conduites sur onze archipels (quarante-sept îles) et ne se sont soldées que par trois échecs. La Nouvelle-Zélande, quant à elle, particulièrement affectée par les invasions, a généralisé les programmes d'éradication. De la fin des années 1910 jusqu'en 1995, 161 avaient été lancés et 113 réussis. C'est aussi dans ce pays, à Auckland, que s'est tenue, en février 2001, la première conférence internationale sur l'éradication d'espèces invasives insulaires. Quarante-sept cas ont été présentés dont plus de la moitié ayant été résolus. Il s'agissait essentiellement d'envahisseurs mammaliens (souris, rats, lapins, chèvres, sangliers et chats) pour lesquels une lutte chimique (parfois couplée à la lutte manuelle et mécanique) avait été privilégiée.
La lutte biologique est plus délicate à mettre en œuvre. Dans la majorité des cas, elle n'a pas été probante jusqu'à présent, même si de nombreux contre-exemples existent. Plus de 6 000 programmes – impliquant un millier de prédateurs, de parasites et d'agents pathogènes – ont été lancés pour lutter contre quelque cinq cents espèces d'insectes, et un millier d'opérations faisant intervenir trois cents espèces d'insectes ou d'agents pathogènes, pour tenter de contrer ou d'éliminer cinquante espèces végétales. On estime que moins d'un tiers des insectes entomophages introduits pour lutter contre les invasions réussissent à s'implanter et que la moitié seulement des phytophages parviennent à s'établir. De plus faibles proportions encore d'insectes et, surtout, de micro-organismes toucheraient réellement leur cible.
La lutte chimique peut donner de bons résultats pour des mammifères (comme le montre le bilan de la conférence d'Auckland). Mais elle est plus problématique lorsqu'elle s'applique aux insectes, leurs importantes fluctuations d'abondance ne facilitant pas l'éradication. De plus, ces animaux développent souvent des résistances, par mutation, aux produits utilisés, ce qui nécessite la recherche de nouveaux agents toxiques pour les traiter.
La lutte contre les invasions biologiques peut donc être longue et difficile. Mais, une fois que l'espèce envahissante est repérée (par ses premiers impacts et/ou la connaissance de ses nuisances dans d'autres biotopes) et les moyens de la combattre authentifiés, la solution la plus efficace et la moins coûteuse devrait être de l'éliminer rapidement. C'est loin pourtant d'être toujours le cas. Les sociétés ont nettement tendance à négliger les menaces biologiques surtout lorsqu'elles ne concernent pas les intérêts immédiats de l'espèce humaine (en l'occurrence l'agriculture et la santé publique, deux domaines où la lutte anti-invasive est considérée comme prioritaire). De fait, les risques pesant sur la biodiversité sont encore loin de susciter toutes les réponses satisfaisantes au regard des lignes directrices qui ont pu être proposées. La coopération entre les États reste faible ; les systèmes d'alerte, l'information du public, la coopération des secteurs professionnels et, d'une manière générale, la prévention sont insuffisants ; les législations anti-invasives et/ou leurs textes d'application[...]
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Écrit par
- Alain ZECCHINI : journaliste scientifique, expert de l'Union mondiale pour la nature
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