CHAPORINE IOURI ALEXANDROVITCH (1887-1966)
Le compositeur soviétique Iouri Chaporine a joué un rôle de premier plan dans la vie intellectuelle de son pays : remarquable pédagogue, il fut également l'un des rares défenseurs de l'avant-garde musicale en U.R.S.S.
Iouri Alexandrovitch Chaporine naît à Gloukhov, dans la province de Tchernigov, en Ukraine, le 27 octobre (ancien style)/8 novembre (nouveau style) 1887. Sa mère, très musicienne, a été la condisciple de Rachmaninov et de Scriabine dans la classe de piano de Nikolaï Zverev au Conservatoire de Moscou. Bien qu'ayant étudié tôt le piano et le violoncelle, Chaporine commence en 1906 des études d'histoire, de philologie et de droit à l'université de Kiev, dont il fait profiter la chorale étudiante de ses dons de pianiste accompagnateur. Il commence à étudier en dilettante la composition et la théorie musicale.
En 1908, il s'installe à Saint-Pétersbourg pour continuer ses études de droit, qu'il achève en 1912. Encouragé par Glazounov, il entre l'année suivante au Conservatoire de Saint-Pétersbourg, où il étudie la composition avec Nikolaï Alexandrovitch Sokolov et l'orchestration avec Maximilian Oseïevitch Steinberg. Il achève ses études musicales en 1918.
Rallié aux thèses révolutionnaires, il fonde en 1919, avec Maxime Gorki, Anatoli Vassilievitch Lounatcharski et Alexandre Blok, le Grand Théâtre dramatique de Petrograd, dont il sera le directeur musical jusqu'en 1928. En 1926 à Leningrad (nouveau nom de Petrograd), il est l'un des fondateurs, avec le musicologue, compositeur et critique Boris Vladimirovitch Assafiev, de l'Association pour la musique contemporaine, qui sera, jusqu'à sa dissolution en 1930, le fer de lance de la diffusion en U.R.S.S. de la musique d'avant-garde. Cette époque est, du point de vue de la composition, la plus féconde pour Chaporine : ami d'Alexeï Nikolaïevitch Tolstoï, de Blok, de Gorki, d'Evgueni Zamiatine, de Vladimir Maïakovski, il écrit de nombreuses musiques de scène pour les pièces de ces derniers.
Le début des années 1930 marque un tournant dans sa carrière : sa production se ralentit, la gestation de ses œuvres devient de plus en plus longue. C'est le cas notamment de sa pièce maîtresse, l'opéra Les Décembristes. Celui-ci, fondé sur une idée d'Alexeï Nikolaïevitch Tolstoï, est issu d'un opéra entamé en 1920, Polina Gebl' (nom russifié de Pauline Guèble, une héroïne française de l'insurrection russe de 1825), inachevé, dont deux scènes sont données à Leningrad en 1925. Le Bolchoï de Moscou lui en commande une nouvelle version en 1935, ce qui décide Chaporine à s'établir dans la capitale soviétique en 1936. Une révision en 1938 ne le satisfait pas. En 1953, Chaporine se décide à collaborer étroitement avec Vsevolod Rojdestvenski, qui établit le livret définitif des Décembristes. L'opéra est créé triomphalement au Bolchoï de Moscou le 23 juin 1953. Il est depuis lors demeuré au répertoire des opéras soviétiques puis russes. Même si, avec un langage qui manifeste les influences du Borodine du Prince Igor (par sa façon de traiter les masses chorales), de Tchaïkovski (par son invention mélodique), de Moussorgski ou de Rimski-Korsakov, il n'est pas aussi novateur que les ouvrages lyriques de Prokofiev ou de Chostakovitch, cet opéra s'élève nettement au-dessus de la production engendrée par la doctrine du réalisme socialiste.
En 1939, Chaporine avait été nommé professeur d'instrumentation au Conservatoire de Moscou ; il y sera professeur de composition après la Seconde Guerre mondiale. Il enseignera à ses élèves non pas sa manière de composer, mais des techniques, une attitude et une démarche à partir desquelles chacun pourra développer sa personnalité propre. Parmi les compositeurs qu'il a formés se côtoient ainsi le populaire Rodion Konstantinovitch[...]
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Écrit par
- Alain FÉRON : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio
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