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OLECHA IOURI KARLOVITCH (1899-1960)

Né en Ukraine dans une famille noble ruinée, Olecha passe ses années d'enfance et de jeunesse à Odessa. Il appartient donc à la branche méridionale de la littérature russe, et c'est dans le groupe des poètes d'Odessa qu'il fait ses débuts avec V. Kataïev, E. Bagritsky, E. Ilf. Après la révolution, il travaille comme journaliste d'abord à Odessa, puis, à partir de 1922, à Moscou, où il s'établit définitivement. C'est avec le roman L'Envie (Zavist', 1927) qu'Olecha s'impose d'emblée comme un des écrivains les plus originaux de sa génération, et qu'il aborde le thème dominant de toute son œuvre : la place de la personnalité dans la nouvelle société qui s'édifie. Dans L'Envie, l'homme nouveau, représenté par le chef d'entreprise industrielle André Babitchev et par le jeune sportif Makarov, a renié les sentiments anciens, tels que l'amour, l'orgueil, la peur, l'envie, pour les remplacer par l'action mise au service exclusif de la transformation de la société, une action parfois bien proche du travail de la machine. En face d'eux, Kavalerov et Ivan Babitchev, hommes du passé, refusent de sacrifier leur personnalité et leurs sentiments au processus collectif ; ridicules et inutiles, ils affirment leur moi dans des discours d'ivrognes et des actes dérisoires. La critique, très partagée sur l'interprétation idéologique de l'œuvre, souligne, à l'époque, l'ambiguïté de la position de l'auteur. Malgré toute sa volonté d'accepter la révolution et d'y participer, Olecha se sent un étranger dans la nouvelle société, il a le sentiment d'être mis à l'écart. Il voudrait être aux côtés de l'homme nouveau, mais il ne le comprend pas, il voudrait s'affranchir du passé, mais il en est le prisonnier comme Kavalerov. Ce thème fondamental des écrivains que l'on a appelés tantôt « compagnons de route », tantôt « émigrés de l'intérieur » est traité par Olecha dans une forme extrêmement originale : le rêve, le fantasme sont mêlés à la réalité, le style est tour à tour réaliste et satirique — grossier même à l'occasion —, et poétique, mêlant au récit le plus ordinaire le symbole et l'abstraction.

Outre L'Envie, Olecha a écrit un roman-féerie pour enfants, Les Trois Gros (Tri Tolstjaka, 1928), des récits qui reprennent soit des souvenirs autobiographiques, soit des problèmes proches de L'Envie dans Le Noyau de cerise (Visnëvaja Kostocha, 1931). En 1929, il reprend pour le théâtre Vakhtangov L'Envie et en fait une pièce, Le Complot des sentiments (Zagovor čuvstv) ; de la même manière, pour le Théâtre d'art de Stanislavski, Les Trois Gros. Olecha compose également une pièce originale et hardie pour le théâtre de Meyerhold, La Liste de vertus (Spisok blagodejanij, 1931) : une actrice de théâtre vit le même conflit entre culture ancienne et réalité nouvelle. L'année 1931 marque la fin de la création littéraire d'Olecha, en raison de la crise personnelle que connaît l'auteur, puis des interdictions qui pèsent sur lui à partir de 1934, et qui ne seront levées qu'après la mort de Staline. De 1954 à 1960, Olecha rédige des Mémoires qui sont à la fois une autobiographie, des souvenirs littéraires et une méditation sur l'art, et qui prouvent que l'écrivain n'a jamais renoncé à ses idées. Une édition posthume d'un choix de ces notes sera publiée en 1961, sous le titre Nulla Dies sine linea (Ni Dnja bez strocki). L'ensemble des œuvres d'Olecha a été réédité en Union soviétique dans les années soixante.

— André RADIGUET

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, ancien élève de l'École normale supérieure de Saint-Cloud, maître assistant à l'université des langues et lettres de Grenoble

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