TYNIANOV IOURI NIKOLAÏEVITCH (1894-1943)
De formation universitaire, spécialiste de l'histoire de la littérature russe du début du xixe siècle, Tynianov est d'abord un des principaux représentants de l'école formaliste, aux côtés de V. Chklovski et de B. Eichenbaum. Chercheur, enseignant, traducteur, correcteur, il donnera jusqu'en 1925 de nombreux articles consacrés à Pouchkine, à Griboïedov et à Küchelbecker, à la poésie russe du xixe et du xxe siècle. Rallié à l'Opoïaz, société pour l'étude de la langue poétique, Tynianov apporte sa contribution originale à l'élaboration de la doctrine formaliste. Considérant, comme les autres formalistes, que la littérature est constituée par un ensemble de procédés spécifiques qu'il convient d'étudier en eux-mêmes, il s'attache particulièrement à l'étude des procédés poétiques (Le Problème de la langue poétique, Problema stikhotvornogo jazyka, 1924) et à la constitution d'une théorie de l'évolution de la littérature, fondée sur la définition des différents genres et sur la lutte entre les écoles littéraires (Dostoïevsky et Gogol, 1921). Un grand nombre de ses articles seront édités, en 1929, dans le recueil Archaïstes et novateurs (Arkhaisty i novatory). Auteur de scénarios, Tynianov s'intéresse par ailleurs au cinéma.
Les attaques virulentes, dont les formalistes sont l'objet de la part de la critique marxiste officielle, empêcheront Tynianov de poursuivre ses travaux théoriques et lui créeront aussi des difficultés matérielles. À partir de 1930, il se limitera à son travail d'édition des poètes russes, dans la série La Bibliothèque du poète.
Tynianov s'est aussi consacré à la création littéraire proprement dite. Avec Le Page disgracié (Kjukhlja, 1925), roman historique qui reprend la vie du poète décembriste Küchelbecker, il commence une œuvre qui va lui assurer le succès au cours des années trente. Ses nouvelles et romans historiques recréent cette atmosphère et cette langue du début du xixe siècle qu'il avait étudiées comme historien de la littérature. Ses héros sont des écrivains, à la fois hommes vivants et personnages historiques qui illustrent la fragilité de l'individu face au pouvoir despotique et à la marche inexorable de l'histoire.
La Mort du vazir Moukhtar (Smert' Vazir-Mukhtara, 1928) marque le sommet de l'œuvre de Tynianov. Inspiré de la vie de Griboïedov, écrivain et ambassadeur en Perse, ce roman est marqué par les recherches formelles les plus hardies dans le style et la composition. Avec sa trilogie inachevée (composée à partir de 1935) sur la vie de Pouchkine, Tynianov tente de s'intégrer à la nouvelle littérature soviétique et de se plier aux règles du réalisme socialiste, particulièrement stérilisantes pour un auteur comme lui.
Redécouvert en Union soviétique, après 1956, comme romancier, et, dans une moindre mesure, comme historien de la littérature, Tynianov a bénéficié en Occident du regain d'intérêt pour les formalistes russes, présentés comme les précurseurs du structuralisme.
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Écrit par
- André RADIGUET : agrégé de l'Université, ancien élève de l'École normale supérieure de Saint-Cloud, maître assistant à l'université des langues et lettres de Grenoble
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