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NIEVO IPPOLITO (1831-1861)

Après Manzoni, Ippolito Nievo est l'auteur d'un autre grand roman historique de l'époque romantique, Le Confessioni di un Italiano, 1867 (Mémoires d'un Italien). Les deux auteurs, souvent rapprochés, sont en réalité très différents. Manzoni trouve au long de son siècle des solutions parfaitement maîtrisées, tant linguistiques qu'idéologiques (c'est un des premiers chrétiens de gauche de l'Italie). Nievo, lui, est un écrivain en proie à l'histoire : entre deux campagnes avec Garibaldi, à vingt-six ans, il écrit en huit mois le gros roman génial et hâtif qui fit sa célébrité.

Né à Padoue le 30 novembre 1831, Nievo est le fils d'un magistrat mantouan et d'une Vénitienne. Mal à l'aise dans l'Italie de la Restauration, il s'essaie à tous les genres : poésie, drame historique, nouvelles campagnardes, essais théoriques, et son roman, achevé en août 1858. Quand le royaume de Piémont-Sardaigne entre en guerre contre l'Autriche, Nievo s'enrôle en mai 1859 dans les chasseurs à cheval, aux côtés de Garibaldi, et suit la campagne des Alpes, interrompue par l'armistice de Villafranca. L'amertume qu'il en conçoit lui inspire l'essai Venezia et la libertá d'Italia (Venise et la liberté de l'Italie). En mai 1860, toujours fidèle à Garibaldi, il rejoint à Gênes les Chemises rouges qui partent pour la campagne de Sicile. Il est nommé intendant de l'expédition. On retrouve dans ses lettres de clairvoyantes analyses des éternels problèmes du Sud. Devant rentrer à Naples avec les dossiers de l'expédition, pressé de retrouver une cousine très aimée, il embarque sur un vieux vapeur qui fait naufrage corps et biens aux environs d'Ischia. Il avait trente ans.

Les Mémoires d'un Italien appartiennent à la tradition du roman historique qui permettait, dans les époques troublées, d'évoquer le sentiment patriotique et les abus (transposés) des oppresseurs contemporains. Mais les souvenirs du héros, Carlo Altovita, contiennent bien des aspirations de Nievo : « Je suis né Vénitien le 18 octobre 1775, fête de saint Luc l'Évangéliste, et je mourrai Italien, par la grâce de Dieu. » C'est aussi un très beau roman de formation, situé au déclin de l'Ancien Régime, dans le petit monde étrange, terrifiant et drôle du château de Fratta en Vénétie, où est élevé de manière sordide le petit Carlino, bâtard de la famille et amoureux de sa cousine, la Pisana. Les amours enfantines, leur cruauté, leur inoubliable intensité ne seront jamais mieux évoqués que dans les vagabondages de Carlino et de la Pisana, une des plus extraordinaires figures féminines de la littérature italienne.

Nievo était voué à une fortune posthume : celle des Mémoires d'un Italien publiés six ans après sa mort. Par ailleurs, un petit livre, Anti-aphrodisiaque pour l'amour platonique, écrit à dix-sept ans et publié pour la première fois en Italie en 1956, témoigne des burlesques désarrois amoureux de la génération désenchantée d'après 1848. Mais c'est sans doute la Correspondance qui révèle le mieux cette figure tragique de l'inachèvement : la disparition de Nievo fit de lui un héros à la Stendhal, mais l'empêcha d'accomplir le rôle politique qu'imaginera pour lui Croce, et d'être le grand romancier populaire et national dont le Risorgimento avait tant besoin.

— Muriel GALLOT

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Écrit par

  • : agrégée de l'Université, maître de conférences à l'université de Toulouse-Le-Mirail

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