IRAK-IRAN (GUERRE)
Officiellement, la guerre entre l' Irak et l'Iran commence le 22 septembre 1980, lorsque le Conseil de commandement de la révolution ( C.C.R.) irakien donne l'ordre à l'armée de « porter des coups décisifs aux objectifs militaires iraniens ». En fait, l'initiative prise par le président Saddam Hussein de s'engager dans une « guerre totale » est la conséquence d'une série fort longue d'incidents frontaliers d'ampleur croissante : suivant un mémorandum officiel irakien, les forces iraniennes auraient commis, du 23 février au 26 juillet 1980, pas moins de « 244 actes de violation de frontières ou d'agression contre l'Irak », faisant l'objet de 240 notes officielles de protestation de Bagdad à Téhéran. Le président Saddam Hussein, selon son habitude, aura voulu précéder l'événement et contenir un déferlement de la révolution khomeiniste que ses services de renseignement jugent, à travers plusieurs indices, imminent. Ce faisant, il est sans doute loin de penser que vient de se déclencher la guerre la plus longue et la plus sanglante depuis la Seconde Guerre mondiale.
Des causes multiples
Dès l'ouverture des hostilités, les Irakiens évoquent la victoire de Qadissiya. Illustre dans l'histoire musulmane, cette bataille, livrée en 637, a permis aux armées arabes, rangées sous la bannière de l'islam, de rejeter les Sassanides hors de Mésopotamie et de détruire l'Empire qu'ils avaient fondé en Perse : plus encore que l'introduction de l'islam dans la région, ce nom de Qadissiya évoque la première victoire décisive des Arabes contre les Iraniens. Cette référence est naturellement considérée, du côté iranien, comme un détournement – une appropriation sacrilège – d'une page de l'histoire de l'islam. Ces deux interprétations opposées d'un même événement historique permettent de caractériser un des aspects essentiels de la guerre du Golfe. Pour l'Irak, et pour les États arabes qui vont lui prêter appuis et concours, il s'agit d'un combat aux confins de l' arabisme, en vue de sauvegarder les intérêts de celui-ci. Pour l'Iran, la guerre, ressentie comme défensive, est essentiellement islamique, dirigée contre le gouvernement de Bagdad tenu pour mécréant et laïc.
Les frontières
Mais cette lutte, que les antagonistes représentent comme un conflit de civilisations, renouvelle, à ce titre, une contestation multiséculaire sur les frontières, aggravée par le fait que des minorités y revendiquent leur indépendance ou autonomie. Inégalement partagée entre Iran et Irak, la Mésopotamie a été, de tout temps, un couloir pour les invasions asiatiques et, dès la plus haute antiquité, les Perses l'ont souvent emprunté. L'Irak, dans cette région, succède depuis la fin de la Première Guerre mondiale à un Empire ottoman qui, durant des siècles, s'est opposé à l'expansion de l'Empire persan. Dans la partie montagneuse, au nord, la connivence, contre les Persans chiites, entre les sultans ottomans et la plupart des émirs kurdes sunnites, a assuré, dès le début du xvie siècle, la relative stabilité des frontières seulement troublées par les différends, limités, entre tribus. Au sud, en revanche, les Persans convoitent la Basse-Mésopotamie, dont le peuplement est arabe mais chiite et qui abrite les principaux lieux saints du chiisme (Nedjef, Kerbala) ; ils l'envahiront à plusieurs reprises, jusqu'au cours du xviiie siècle, et tiendront même quelques années Bagdad, tandis qu'à l'est du Chatt al-Arab l'autorité du cheikh arabe de Mohammarah (Khorramchahr) s'étendra longtemps sur l'Arabistan (Khouzistan).
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Philippe RONDOT : docteur en sociologie politique des relations internationales
Classification
Médias
Autres références
-
AHMADINEJAD MAHMOUD (1956- )
- Écrit par Christian BROMBERGER et Encyclopædia Universalis
- 1 677 mots
Président de la République islamique d'Iran de 2005 à 2013.
Mahmoud Ahmadinejad est né le 28 octobre 1956 à Aradan, une bourgade proche de Garmsar, à une centaine de kilomètres au sud-est de Téhéran. Il est le quatrième enfant d'une famille modeste (son père est forgeron) qui migre vers...
-
ASIE (Géographie humaine et régionale) - Dynamiques régionales
- Écrit par Manuelle FRANCK , Bernard HOURCADE , Georges MUTIN , Philippe PELLETIER et Jean-Luc RACINE
- 24 799 mots
- 10 médias
Les grands conflits sont l'occasion de dépenses colossales. Laguerre Irak-Iran a été ruineuse pour Bagdad. Pour Téhéran, cette guerre a fait 500 000 victimes et plus d'un million de blessés. Les dommages économiques sont évalués à 871 milliards de dollars, soixante villes et quatre mille villages... -
CHAṬṬ AL-‘ARAB ou SHAṬṬ AL-‘ARAB
- Écrit par Jean-Marc PROST-TOURNIER
- 348 mots
Exutoire commun du Tigre et de l'Euphrate, le Chaṭṭ al-‘Arab, long de 200 kilomètres entre al-Qurnah et le golfe Persique, reçoit sur sa rive gauche le Kārūn qui descend des montagnes d'Iran. Bordé d'un liseré de palmeraies, il constitue sur une partie de sa rive orientale la frontière...
-
ENFANTS SOLDATS
- Écrit par Rosalie AZAR
- 3 421 mots
L'Iran de l'ayatollah Khomeyni et le conflit Iran-Irak apportent un autre exemple d'une idéologie révolutionnaire aboutissant à recruter des enfants pour la guerre. Dans les manuels scolaires iraniens des années 1980, toute l'instruction est mise au service de la propagande. Les ... - Afficher les 18 références