La révolution des 17 et 30 juillet 1968
Depuis le 16 avril 1968, date à laquelle quelques officiers baassistes font circuler une pétition réclamant l'élection d'une Assemblée nationale, la conjuration s'étend. Cette fois, elle est d'inspiration uniquement baassiste, les alliés du Baas ayant fait défaut au dernier moment. Le 17 juillet, au petit matin, les troupes des commandants Abdel Razzak Nayef et Ibrahim Abdel Rahman Daoud se joignent à celles du brigadier Bakr pour encercler le palais présidentiel. Le général Aref se rend presque aussitôt : le sang n'a pas coulé. Un Conseil de commandement de la révolution ( C.C.R.) est formé, qui élit Hassan al-Bakr à la présidence de la République et donne le gouvernement au commandant Nayef, le commandant Daoud se voyant réserver le portefeuille de la Défense. Cependant, au bout de quelques jours un conflit oppose ces deux officiers à leurs compagnons. Le 30 juillet, pour prévenir toute tentative de leur part, la division du général Hamadi al-Takriti prend le contrôle de Bagdad, le gouvernement est dissous, Nayef et Daoud sont mis d'office à la retraite. Le 31, le général Bakr préside le nouveau cabinet, Hardan al-Takriti devenant vice-Premier ministre et ministre de la Défense, poste qu'il gardera jusqu'en avril 1970, avant d'être, à son tour, définitivement écarté (15 oct. 1970). Cette seconde révolution du 30 juillet 1968 consacre le succès du mouvement révolutionnaire engagé le 17 juillet et la prééminence du parti Baas : Saddam Hussein al-Takriti, qui s'est consacré dans le secret à la réussite du coup d'État, rejoint le président Bakr.
Le Baas a trouvé son origine en Syrie lorsque, en 1932, est fondée la Ligue d'action nationaliste par les représentants d'une petite bourgeoisie de commerçants, d'enseignants et de fonctionnaires marqués par l'action d'anciennes sociétés secrètes comme al-Fatat, al-Qahtaniya et al-Ahd. Certains, même, ont appartenu à l' Istiklal, parti nationaliste panarabe qui a fait son apparition en Syrie, en Jordanie et en Irak entre 1920 et 1932. La Ligue éclate en 1939 et Zaki al-Arsouzi, un Alaouite d'Alexandrette, crée un Parti nationaliste arabe qui devient, à l'initiative du Damascène Michel Aflak et de Salah Bitar, un autre Syrien, d'abord al-Ihya al-Arabi (la Réanimation arabe), avant de prendre le nom d’al-Baas al-Arabi (la Résurgence arabe). En avril 1947, lors de la réunion du premier congrès du parti, les statuts et le programme en sont définis. La doctrine du Baas est résumée dans sa devise : « Unité- Socialisme-Liberté » et sa profession de foi : « Une seule nation arabe à la mission éternelle. » Tous ses principes sont contenus dans une constitution, à laquelle il est fait constamment référence, dont l'une des idées fondamentales est celle-ci : « Les Arabes forment une seule nation ; la patrie forme une unité politique et économique indivisible ; la nation arabe forme une unité culturelle ; enfin la patrie arabe appartient aux Arabes. » Cette constitution ne fait pas référence directement à l'islam, considéré pourtant par le chrétien Michel Aflak comme la « religion nationale des Arabes », accentuant ainsi son caractère laïcisant et montrant son souci de créer un arabisme unitaire qui refuse aux diverses communautés un quelconque pouvoir politique ou administratif. Le Baas se présente davantage comme un parti d'encadrement des masses que comme un parti de masse. Il dispose d'une direction nationale, ou commandement national, élue par un congrès national interarabe et qui a vocation sur l'ensemble de la nation arabe. Mais chaque pays dans lequel le Baas est implanté possède une direction distincte, régionale, également élue, qui exerce un pouvoir collégial. Michel Aflak, revenu à Bagdad après l'élimination en Syrie du général Amine al-Hafez, est le secrétaire général du commandement national. À partir[...]