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IRAN Cinéma

Autour d'Abbas Kiarostami

En l'espace de quelques films, Abbas Kiarostami, révélé avec Close up (1990), est devenu une des grandes figures du cinéma mondial. Inspiré d'un fait-divers, le film raconte comment un ouvrier imprimeur au chômage se fait passer pour son cinéaste préféré, Mohsen Makhmalbaf. Kiarostami filme le procès pour escroquerie intenté par la famille abusée et, sous prétexte de donner une image clémente de la justice en Iran, montre les plaies du peuple, dans un monde où le cinéma, et non la religion, devient la seule forme d'aspiration à une vie autre et meilleure. Le héros du Goût de la cerise (1997) aspire à tout autre chose : trouver quelqu'un et le payer en conséquence pour qu'il verse de la terre sur son cadavre après qu'il se sera suicidé. L'homme essaie de convaincre un soldat, qui croit au début à une proposition homosexuelle, puis un jeune séminariste, qui lui oppose le discours de la religion, et enfin un taxidermiste qui tente de le réconforter. À l'opposé du pessimisme du Goût de la cerise où l'homme ne trouve personne pour l'aider, Où est la maison de mon ami ? (1988) raconte comment un enfant vient en aide à un écolier menacé de renvoi, quitte pour cela à abuser le maître d'école (l'Institution). Les films de Kiarostami sont limpides. Comme Et la vie continue (1992) où, suite à un tremblement de terre qui a détruit la région où fut tourné Où est la maison de mon ami ?, un homme accompagné de son fils part à la recherche des enfants du film et découvre une réalité qui contredit ce que les reportages télévisés ont pour habitude de montrer. Derrière cette simplicité, ils traitent des blessures humaines, à l'image du couple impossible d'Au Travers des oliviers (1994). Le tremblement de terre, au cœur de la réalité iranienne, devient chez Kiarostami une figure majeure qui renvoie à la ligne de fracture entre deux communautés, mais aussi à l'ensevelissement, redouté (Et la vie continue) ou désiré (Le Goût de la cerise). Soit l'angoisse fantasmatique de l'enterré vivant comme métaphore de la condition de vie en Iran.

La politique d'ouverture permet à la génération des années 1970 de revenir. Si Amir Naderi déçoit avec Le Coureur (1985), lourde métaphore propagandiste (la course à pied, la course au savoir) pour évoquer un régime qui appelle les siens à toujours se dépasser, Darius Mehrjui se fait moins allégorique dans Les Locataires (1987), qui a pour point de départ la crise du logement en Iran. De son côté, Behram Beyzaï se signale avec Bashu, le petit étranger (1990), film sur la tolérance, centré sur le beau personnage d'une mère qui recueille un enfant, orphelin de la guerre avec l'Irak, rejeté par la communauté. Le nouveau régime a engendré un cinéaste, Mohsen Makhmalbaf, ardent défenseur de la révolution islamique, qui fut emprisonné sous le régime du shah de 1974 à 1979. Son œuvre se veut une chronique néoréaliste des déshérités, en particulier dans Le Camelot (1987) et Le Cycliste (1989), l'histoire d'un homme qui, à la suite d'un pari, accepte de tourner sur son vélo sans s'arrêter afin de payer les soins d'hôpital de son épouse. Dans Le Mariage des bénis (1989), Makhmalbaf se fait plus critique en montrant un ancien soldat de la guerre contre l'Irak, confronté à une difficile réinsertion et à l'indifférence. Par la suite, Le Temps de l'amour (1990), variations sur le triangle amoureux (mari, femme, amant), sera interdit par la censure, ainsi que Les Nuits de Zayanderoud (1991). Influencé par le cinéma de Kiarostami, il réalise Salam cinema (1995), maladroit portrait du cinéaste en dictateur qui se retourne contre ce qu'il prétend dénoncer. Dans Un moment d'innocence (1996), une belle histoire, inspirée d'un fait réel[...]

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Écrit par

  • : critique de cinéma, maître de conférences en histoire et esthétique de cinéma, université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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