IRAN Société et cultures
Vieil empire multiethnique, seul État shi'ite au monde, aux élites précocément occidentalisées, mais s'étant engagé dans une révolution religieuse, l'Iran présente, à l'arrière-plan de son évolution récente, une physionomie singulière. Pays trois fois grand comme la France, il regroupe des populations d'origines et de langues diverses, dans le cadre d'un État très anciennement centralisé. La doctrine du shi'isme – le courant musulman dominant depuis le xvie siècle – pose en termes singuliers le problème de la légitimité du pouvoir politique ; cette originalité dogmatique a pesé sur l'inflexion des événements révolutionnaires et sur l'instauration de la République islamique, mais elle fait l'objet de débats récurrents, y compris parmi les clercs, certains réclamant aujourd'hui avec une vigueur accrue la séparation du politique et du religieux. La république islamique se heurte par ailleurs à la mondialisation des modes de vie et des revendications dans un pays qui n'a jamais été coupé du monde extérieur.
Une mosaïque de cultures cimentées par une commune appartenance nationale
La diversité culturelle de l'Iran tient tout à la fois à la juxtaposition de milieux géographiques très contrastés (terres humides et palustres du littoral caspien, plateau aride ponctué d'oasis, grandes cuvettes désertiques du Dasht-e Kavir et du Dasht-e Lut, chaîne montagneuse du Zagros...) et à une histoire faite d'invasions successives qui ont inégalement marqué les différentes régions du pays. La pénétration progressive, aux IIe et Ier millénaires avant J.-C., de nomades aryens, venus de steppes froides et cultivables d'Asie intérieure, sur le plateau iranien a fixé les grands traits de l'utilisation du sol en Perse : un genre de vie à dominante sédentaire, agricole, avec de courts déplacements pastoraux à l'intérieur des vallées. C'est de ce genre de vie que participe encore aujourd'hui une partie des populations du Lorestan et du Kurdistan, par exemple. À ces invasions, l'Iran doit aussi le substrat de sa langue, le persan, langue indo-européenne, à laquelle se rattachent la plupart des dialectes parlés dans le pays. Si la conquête arabe, au viie siècle, a considérablement modifié les modes de vie et les habitudes culturelles (religion, vie et schémas urbains, arts et formes d'expression : adoption, entre autres, des caractères arabes pour écrire le persan), elle n'a pas pour autant bouleversé les formes traditionnelles d'occupation de l'espace. En revanche, les invasions turques au xie siècle, aboutissant à la création de l'empire seldjoukide, et mongoles au xiiie siècle, sous l'impulsion de Gengis Khan, entraînant la domination des Il-Khanides, ont eu de profondes répercussions sur le genre de vie des populations montagnardes de l'Iran : « bédouinisation », pour reprendre l'expression de Xavier de Planhol, de communautés à dominante sédentaire, formation de grandes confédérations tribales hiérarchisées, affirmant leur autonomie et revendiquant le pouvoir (la plupart des dynasties iraniennes depuis le xvie siècle ont été d'origine tribale) ; parallèlement, ces invasions entraînèrent la « turquisation » linguistique d'un certain nombre de régions iraniennes.
Le panorama ethno-linguistique de l'Iran contemporain porte l'empreinte de cette histoire complexe, des contrastes entre les régions et des forts particularismes qui en découlent. La moitié environ des Iraniens ont la langue nationale, le persan (fārsi), pour langue maternelle. Conséquence cependant d'une alphabétisation massive et continue depuis les années 1960 et des migrations vers les villes, la langue nationale est parlée aujourd'hui par 83 % de la population (c'est uniquement dans les marges nord-ouest[...]
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Écrit par
- Christian BROMBERGER : professeur d'anthropologie à l'université d'Aix-Marseille, ancien directeur de l'Institut français de recherche en Iran
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Médias
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