IRAN Société et cultures
Les problèmes d'une société postrévolutionnaire
Quelque trente ans après la révolution, la société iranienne doit affronter d'énormes difficultés économiques et se trouve tiraillée entre des institutions qui l'entravent et une volonté d'ouverture, de réformes qu'elle manifeste, au fil des élections successives, de plus en plus massivement.
Une nouvelle physionomie socio-économique
En trente ans, la population du pays a plus que doublé (33,6 millions en 1976, 70 millions en 2006). La croissance démographique a atteint un pic (3,1 % par an) en 1986 (la fécondité, 6,2 enfants par femme, est alors une des plus élevées du monde). Pour freiner cette évolution, la contraception a été légalisée, dès 1980, par une fatwa de l'ayatollah Khomeyni et le gouvernement a lancé en 1988 une campagne de contrôle des naissances, suivant en cela une tendance générale dans la société iranienne. La fécondité a fortement baissé (3,5 enfants par femme dès 1993, 2 en 2006) et la proportion des 0-14 ans est passée de 45,5 % de la population totale en 1986 à 26,1 % en 2006. La croissance démographique est également liée à l'augmentation de l'espérance de vie (55,8 ans en 1976, 62,8 ans en 1996, 70 ans en 2006), qui témoigne, entre autres, des progrès des équipements sanitaires et médicaux, et à l'afflux d'immigrés et de réfugiés (Afghans en particulier ayant fui le régime des talibans). La population a, par ailleurs, continué de s'urbaniser (plus de 68 % des Iraniens sont aujourd'hui des citadins), les migrations vers les villes affectant surtout l'ouest pauvre du pays : l'Azerbaïdjan, le Kurdistan mais aussi le Khouzistan, durement touché par la guerre contre l'Irak, qui, au total, a fait quelque 400 000 morts parmi les Iraniens. Sous la poussée de l'exode rural, plusieurs villes, naguère symboles du pouvoir central, se sont fortement ethnicisées, ce phénomène, qui frappe aux marges du territoire (Kurdistan, Khouzistan, Baloutchistan) contribuant au développement des revendications identitaires. Si le pourcentage de la population agricole a considérablement régressé pendant les trente dernières années, celle des pasteurs nomades (évaluée à 1 200 000 individus) s'est radicalement transformée : la dégradation des pâturages, la réalisation d'équipements (routes, électrification, logements), y compris dans les zones les plus reculées, ont entraîné un mouvement quasi total de sédentarisation et la substitution de la transhumance (où seuls les bergers se déplacent) au nomadisme (où migre l'ensemble du groupe).
Le régime islamique n'a pas pu apporter les réponses économiques appropriées à cette très forte croissance démographique. La révolution a tout d'abord provoqué la désorganisation des appareils de production, la fuite des capitaux, des cerveaux, des techniciens ; elle a aussi rejeté, dans ses premières années, l'« économisme » et la planification. Ces problèmes ont été aggravés par la longue guerre contre l'Irak, qui a absorbé annuellement de 20 à 30 % du budget de l'État, a ruiné des villes et des installations industrielles. Si la production pétrolière demeure la principale ressource de l'État et représente plus de 80 % des exportations, son niveau (environ 4 millions de barils par jour au milieu des années 2000) est loin de celui qu'elle atteignait avant la révolution (5,7 millions de barils par jours en 1974). Cette richesse pétrolière ne permet pourtant pas de répondre aux besoins de la consommation intérieure en essence qui est en forte croissance (6 % par an). Faute d'installations adaptées, la majeure partie du pétrole iranien est, en effet, raffinée à l'étranger et la consommation d'essence est rationnée depuis juin 2007. Au total, la révolution a entraîné un appauvrissement très sensible de presque toutes les catégories sociales, alors même que[...]
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Écrit par
- Christian BROMBERGER : professeur d'anthropologie à l'université d'Aix-Marseille, ancien directeur de l'Institut français de recherche en Iran
Classification
Médias
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