JOACHIM IRÈNE (1913-2001)
Le nom d'Irène Joachim demeure indissociable du rôle de Mélisande de Pelléas et Mélisande de Debussy, qu'elle a interprété durant plus de quinze ans et enregistré dans une gravure de référence.
Née à Paris le 13 mars 1913, Irène Joachim est la petite-fille de deux grands artistes : le violoniste allemand Joseph Joachim, créateur du Concerto pour violon de Brahms, et le peintre de l'école de Barbizon Ferdinand Chaigneau. Elle commence à étudier la musique avec sa mère, Suzanne Chaigneau, violoniste du Trio Chaigneau. Puis elle est confiée à la pianiste Marie Panthès mais décide de se tourner vers le chant et entre en 1935 au Conservatoire de Paris, où elle est notamment l'élève de la soprano Suzanne Cesbron-Viseur et de Pierre Chéreau. Elle y remporte en 1939 plusieurs premiers prix et est engagée aussitôt comme pensionnaire à l'Opéra-Comique, où elle restera jusqu'en 1956. Elle y débute en 1939 dans Le Bon Roi Dagobert de Marcel Samuel-Rousseau, puis incarne Micaëla (Carmen de Georges Bizet), Rozenn (Le Roi d'Ys d'Édouard Lalo), Sophie (Werther de Jules Massenet), Hélène (Une éducation manquée d'Emmanuel Chabrier)... Elle participe aux créations du Rossignol de Saint-Malo (5 mai 1942) de Paul Le Flem (rôle d'Azénor), de Ginevra (25 juillet 1942) de Marcel Delannoy (rôle-titre), de Marion (1951) de Pierre Wissmer (rôle-titre) et chante aussi des œuvres de Darius Milhaud et de Gabriel Pierné.
Mais, surtout, elle travaille le rôle de Mélisande avec la créatrice du rôle, Mary Garden, et le chante pour la première fois sur scène en 1940 ; elle en sera titulaire à la Salle Favart jusqu'en 1956, formant avec le baryton Jacques Jansen un duo qui marque l'histoire de cet ouvrage. En 1941 ont lieu les séances d'enregistrement historiques de l'ouvrage de Debussy sous la direction de Roger Désormière, avec Jansen, Henri Etcheverry (Golaud), Germaine Cernay (Geneviève), Paul Cabanel (Arkel), Leïla Ben Sedira (Yniold) et la chorale Yvonne Gouverné.
Irène Joachim, qui tient au cinéma un rôle de marquise dans La Marseillaise de Jean Renoir (1938) et chante dans Les Anges du péché de Robert Bresson (1943), joue un rôle actif dans la Résistance pendant l'occupation allemande, au côté de Désormière, militant communiste ; elle-même adhérera au Parti communiste en 1950. Elle soutiendra des causes politiques et humanitaires, défendant notamment, avec Nadia Boulanger, Yehudi Menuhin et Henri Dutilleux, le pianiste argentin Miguel Angel Estrella, emprisonné en Uruguay en 1977.
En 1946, elle chante pour la première fois hors de France : Mélisande à Genève sous la direction d'Ernest Ansermet, puis à Vienne, Venise, Amsterdam, Londres. Parallèlement à sa carrière lyrique, Irène Joachim se consacre à la mélodie et au lied, domaines dans lesquels elle réussit avec le même bonheur grâce à sa double culture, française et allemande. Au concert, elle défend les œuvres d'Henri Dutilleux, de Serge Nigg et de son ami Jean Wiener. Elle se fait la championne de la musique de son temps, celle du groupe des Six, de Luigi Dallapiccola ou de Pierre Boulez, dont elle crée Le Soleil des eaux dans sa version de 1950, pour soprano, ténor, baryton, chœur et orchestre (Théâtre des Champs-Élysées, 18 juillet 1950, Orchestre national et Chœurs de la R.T.F. sous la direction de Désormière, avec Joseph Peyron, ténor, et Pierre Mollet, baryton).
En 1954, elle commence à enseigner à la Schola Cantorum avant de devenir professeur de chant au Conservatoire de Paris (1963-1982). Puis elle enseigne l'été au Conservatoire américain de Fontainebleau. Mais son idéal est ailleurs, dans un échange librement consenti avec des élèves qu'elle choisit. Ils sont peu nombreux à recevoir ses précieux conseils : Jessye Norman est l'une des heureuses élues. Irène Joachim meurt à Paris[...]
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
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