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IRISH CORNELL GEORGE HOPLEY-WOOLRICH dit WILLIAM (1903-1968)

Surnommé l'Edgar Poe du xxe siècle, considéré comme un maître du mystère, William Irish est né le 4 décembre 1903 à New York. Après le divorce de ses parents, il passe une adolescence choyée dans sa famille maternelle. Il termine des études supérieures au Columbia College quand une maladie le cloue au lit. Il écrit alors, en 1925, son premier roman, Cover Charge, qui se vend bien. Il se consacrera désormais à l'écriture. Influencés par Scott Fitzgerald, ses romans signés Cornell Woolrich ont du succès jusqu'en 1932. Commence alors une période noire : on ne veut plus publier ses livres, et Irish meurt de faim. Il continue cependant à écrire, et le besoin l'entraîne vers le marché des pulps (magazines à bon marché), auxquels il fournit à partir de 1934 de très nombreuses nouvelles (il en a écrit plus de 350). En 1940, il commence à écrire une série de romans policiers avec La mariée était en noir (The Bride Wore Black), que suivent très vite Retour à Tillary Street (The Black Curtain, 1941), Alibi noir (Black Alibi, 1942), Lady fantôme (Phantom Lady, 1942). Reclus, alcoolique, diabétique, Irish meurt en 1968, atteint de la gangrène. Sa vie sordide, ses angoisses morales et sa déchéance physique lui ont inspiré des textes désespérés. Dès le titre, l'auteur annonce la couleur. Elle sera « noire » : le mot reviendra souvent, relayé par « peur », « mort », « cauchemar », ou « ténèbres ». On reconnaît là, en commun avec Poe, une attirance pour l'horreur et le morbide. S'il maîtrise parfaitement l'art du suspense, Irish peint la condition humaine avec une angoisse qu'il sait communiquer. Le lecteur suit avec émotion l'évolution de personnages persécutés par le destin. Ainsi dans un de ses romans majeurs, Lady fantôme : pour prouver qu'il n'a pas assassiné son épouse, le « héros » doit retrouver une autre femme avec qui il a passé la soirée du meurtre, mais qui s'est volatilisée et que personne ne connaît. La solitude de l'homme dans la société, tel est le thème récurrent des romans et des nouvelles d'Irish, qu'ils soient des récits de détective classiques ou bien qu'ils jouent sur la terreur psychologique. Et si, pour ces personnages banals mais forcés de vivre un martyre, l'amour tient une grande place, il n'y a pas de rémission possible, car la mort mène le jeu. De la solitude au cauchemar, de la violence à la destruction, voilà la tragique dimension humaine proposée par Irish. C'est la différence flagrante de cette œuvre avec le roman policier classique : dans ce dernier, tout s'éclaire au final et l'aube dissout les monstres ; au contraire, dans les histoires criminelles d'Irish, même si l'on découvre l'assassin, les fantômes demeurent. C'est le monde lui-même qui est un cauchemar, et l'art de cet écrivain est de « nous faire partager l'agonie de ceux qui sont chassés et la terreur de ceux qui sont damnés » (Ellery Queen). Plus de vingt films ont été tirés de l'œuvre de William Irish. Parmi les plus célèbres, on peut citer Fenêtre sur cour de Hitchcock, ainsi que La Sirène du Mississippi et La mariée était en noir, réalisés tous deux par François Truffaut.

— Hervé DELOUCHE

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Écrit par

  • : documentaliste de presse à la Société générale de presse, rédacteur en chef de la revue Asphalte

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